Agly : De la friture sur la ligne

Les vignerons de la vallée de l’Agly s’émeuvent de la construction d’une nouvelle ligne à haute tension par-dessus les vignes… Et accusent RTE d’avoir embobiné tous le monde… 

Il aura fallu que les travaux débutent, avant même les autorisations administratives, pour que le dossier devienne le sujet de toutes les conversations en bord de parcelle. Des travaux préparatoires de créations d’accès pour le futur chantier. Mais de quoi parle-t-on ? D’une nouvelle ligne électrique à haute tension destinée à relier le champ d’éolienne de Prugnagnes à Baixas. « En gros, ils ont construit les éoliennes sans se dire qu’elles allaient un jour produire de l’électricité » ironise Nicolas Raffy, directeur du Mas Amiel. Sous-dimensionnée, la ligne existante et ses 63 000 volts est un peu courte pour assurer le transport de l’électricité. À Tautavel, c’est Dominique Bernard, lui aussi vigneron, qui a levé le lièvre en premier et s’est battu contre la mauvaise volonté de RTE. « Quand j’ai appris l’existence de ce projet, j’ai voulu avoir accès au dossier mais cela n’a été possible que par une décision de la commission d’accès aux documents administratifs, que j’ai saisi, alors que cette étude qui fait plus de 500 pages, n’est en rien confidentielle… »

Mais de quoi parle-t-on ?

Le projet de RTE consiste à renforcer les capacités de transport de l’électricité entre le champ d’éolienne de Prugnagnes et Baxais, en faisant passer la puissance de 63 000 volts à 180 000 volts (deux fois 90 000). « Le document d’étude propose quatre scénarios avec des variantes. Le premier est un scénario 100 % aérien avec de nouveaux pylônes à six câbles pour remplacer les pylônes existants. Le deuxième scénario, avec deux variantes combien une toute petite fraction de passage souterrain et le reste en aérien avec des poteaux de 36 mètres de haut contre 25 pour les installations actuelles sur une emprise similaire. C’est ce qui a été retenu. Le troisième scénario proposait l’enterrement de la ligne, à travers les vignes. On comprend pourquoi la Chambre d’agriculture a opté pour le scénario aérien » fait encore remarquer Dominique Bernard . Alors, il y a bien eu des réunions publiques et ce qu’il appelle une parodie d’enquête publique… « L’enquête a été menée cet été, en plein mois d’août, sur un territoire viticole dont les acteurs, les vignerons, étaient occupés aux vendanges. » En catimini en somme. « Nous avons émis des observations à partir du document d’étude de RTE, argumentée, mais le commissaire enquêteur les a, ni plus ni moins écartées, au motif qu’elles n’ont rien à voir avec le dossier… » 

« Personne n’a fait attention »

Mais il y a d’autres interrogations… Pourquoi le Parc naturel régional Corbières Fenouillèdes, qui a en charge la défense des paysages entre autres, a donné un avis favorable, pourquoi, une fois prévenu par le collectif d’opposants il n’a pas pris part à l’enquête publique pour notifier ses observations ? Pourquoi la Chambre d’agriculture des Pyrénées-Orientales a-t-elle aussi donné un avis favorable ? Pourquoi les élus n’ont pas vu venir le coup fourré ? Dominique Bernard estime que personne n’a vraiment fait attention et que de toute façon, le fameux document a été pensé pour noyer le poisson. Charles Dornier, vigneron à Maury, confirme : « RTE a rencontré les gens individuellement, les propriétaires des terrains concernés, pour isoler tout le monde. Mais aujourd’hui, le Parc, la Chambre doivent pouvoir revenir sur l’avis qu’ils ont donné. » En attendant, après avoir assuré qu’il se pencherait sur le dossier, le préfet des Pyrénées-Orientales a signé la déclaration d’utilité publique du projet le 19 décembre dernier, levant les derniers obstacles pour RTE…

Recours judiciaire

Le collectif d’opposants qui compte des vignerons mais aussi, une fois n’est pas coutume, Frene 66, travaille à un recours devant le tribunal administratif afin de contester la validité de l’enquête publique ou la déclaration d’utilité publique et le début des travaux survenus avant la décision. « Nous sommes obligés de nous battre sur ce terrain parce que personne ne voudra se prononcer sur le fond » ajoute Dominique Bernard. Alors que la question est bien là. « C’est absurde » résume-t-il encore. « On sait que l’enfouissement, s’il est un peu plus onéreux à la construction, est aussi plus fiable et est exploitable 20 ans de plus que l’aérien. Et c’est complètement idiot de vouloir le faire passer sous les vignes alors que la nouvelle ligne pourrait très bien suivre la départementale ou même se glisser sous la voie ferrée qui pourrait en profiter pour devenir, une fois rénovée, un outil structurant du territoire et non un objet seulement touristique. » En attendant, comme le résume Joseph Génébrier de Frene 66, « personne n’est contre les énergies renouvelable ni contre le transport d’électricité mais il ne faut pas que cela se fasse au détriment du paysage et de la biodiversité ! Et en plus on n’a aucune assurance qu’une fois la ligne construite RTE démantèlera l’ancienne ! » Une manifestation sur site est prévue le samedi 28 janvier prochain.

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