Adieu Georges [par Jean-Paul Pelras]

Avec le départ de Georges Balcells, qui allait avoir 96 ans le 7 janvier, c’est un grand ancien qui vient de nous quitter. Un des derniers témoins d’une époque que nous pouvons, sans hésiter, qualifier d’héroïque. Pour beaucoup d’entre nous, il était un pilier inamovible. Il suffisait de penser à Georges, à Dédé Casas qui fut son alter-ego pendant de longues années, à Hervé Cribeillet, à André Serrat et à tant d’autres fantassins tout autant incorruptibles qu’irréductibles pour se lancer dans la bataille, pour trouver les mots qui faisaient pâlir les politiciens, les ministres, les technocrates et tous ceux qui ont sacrifié l’agriculture Nord-catalane sur l’autel d’un libre-échange dopé par les importations et les compétitions déloyales.

Nous étions dans les années 70 – 80 – 90, époque qui correspond aux Trente glorieuses du syndicalisme agricole en pays Catalan. En ce temps-là, les importateurs passaient des nuits blanches, les camions et les trains chargés de marchandises importées étaient vidés sans plus de ménagement, les députés étaient réveillés dès potron-minet. En tous lieux, du Boulou à Rivesaltes en passant par le Mas Sabole et tout ce que le département comptait comme “institutions stratégiques”, la maréchaussée était sur le qui-vive 24 h sur 24. Redouté et considéré, le monde paysan demeurait encore le tout premier acteur de l’économie locale.

Alors, quand j’ai appris que Georges venait de partir, je me suis souvenu du bonhomme, j’ai appelé Lucien, François et quelques autres pour évoquer la mémoire de ce jardinier hors pair, coopérateur à La Perpignanaise, maraicher, arboriculteur, horticulteur, producteur de tomates, de salades, d’œillets… Serriste passionné, novateur et exigeant qui montra le chemin aux générations futures sans jamais rien lâcher, sans jamais négocier ou brader sa dignité de paysan.
Établi à Perpignan, sur la route de Bompas, il fit face aux épreuves de la vie, notamment avec le décès de son beau-fils Alain Martin en 1992 et, plus récemment, avec le départ de son épouse Georgette. Pendant des années, fidèle lecteur de l’Agri, il avait pris l’habitude de m’écrire pour me parler du métier qui disparaissait petit à petit, pour me parler de ces campagnes qui se vident, pour me parler de la chasse, son autre passion, et de l’acharnement des écologistes, pour me parler de cette vie bien remplie qu’il vient de quitter en nous laissant le souvenir d’un homme intègre qui respectait la parole donnée, qui condamnait sans concession l’abandon de notre agriculture et de notre ruralité.

Voilà Georges, nous ne t’oublierons pas. Tu étais un exemple pour beaucoup d’entre nous. Tu nous as montré le chemin, celui de l’audace, celui du panache et du respect. À tes filles Gégé, Lise, Michèle, à tes petits enfants et tout particulièrement à notre amie Céline, ainsi qu’aux membres de toute ta famille, L’Agri adresse ses plus sincères condoléances. Adieu Georges, Adieu Paysan. Repose en paix. “Pots anar tranquil. Has fet bona feina”.

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