22 jours… [par Jean-Paul Pelras]

La présidente du Conseil départemental des Pyrénées-Orientales a donc été mise en examen pour “Favoritisme”, “Corruption passive”, “Trafic d’influence passif” et “Prise illégale d’intérêts” suite aux investigations menées par la juridiction interrégionale spécialisée de Marseille. Fin avril, l’avaient précédée dans cette mésaventure, un architecte, trois entrepreneurs et un maire dont l’obédience politique, à en juger par la célérité avec laquelle son nom fut divulgué dans certains médias, nécessitait, de toute évidence, moins de ménagement.

Madame Malherbe est donc poursuivie en tant qu’ex-présidente (2015-2021) de l’Office HLM 66 dans le cadre d’une enquête concernant l’attribution suspecte de marchés publics. Il lui serait également reproché d’avoir bénéficié, avec son mari, de ristournes sur des travaux réalisés à son domicile par l’un des entrepreneurs mis en cause. Tout comme d’un logement mis à sa disposition durant les travaux par l’un des architectes poursuivis. Résultat des courses, la patronne du département, qui à interdiction de quitter le territoire national et de rencontrer certaines personnes mises en examen ou mises en cause dans le cadre de la procédure, a dû également remettre son passeport au greffe et fournir une caution de 50 000 euros.

Une affaire tenue au chaud entre le 16 mai, jour de sa mise en examen consécutive à une perquisition menée à son domicile, et le 6 juin quand nos confrères de France Bleu Roussillon ont divulgué cette information. 22 jours séparent ces deux dates pendant lesquels, par correction pour les habitants du département qu’elle préside, l’intéressée aurait peut-être dû communiquer sans attendre. 22 jours et ceux qui vont suivre avec, de toute évidence, d’autres ramifications, d’autres poursuites et, probablement, d’autres révélations dans la presse. Y compris nationale, puisque, du Journal Le Point à L’Obs, en passant par RMC, BFMTV, le Parisien et, entres autres publications, Le Monde ou Libération, nombreux sont les médias qui ont évoqué cette affaire.

Éclaboussures

22 jours et une déclaration de l’élue socialiste mise en ligne sur Facebook le 6 juin : “Dans le cadre de l’enquête menée par la JIRS de Marseille qui concerne des entreprises et des élus des Pyrénées-Orientales, j’ai été entendue dernièrement. Cela n’impacte en rien mon mandat de présidente du Département. Avec mon conseil, Maître Gilles Gauer, nous allons tout mettre en œuvre pour que la lumière soit faite. Soucieuse de laisser la justice effectuer son travail, je ne m’exprimerai pas sur le sujet en dehors de cette déclaration.”
22 jours et ce silence, parfois surprenant, à l’autre bout des conversations téléphoniques, ces “circonstances atténuantes” qui semblent sourdre du non-dit des évènements. Comme si la corruption dans ce département était en quelque sorte devenue synonyme de routine, de tradition, de fatalisme.

Qui après Malherbe ? Qui d’autre sur la liste des lampistes de faction ? Ou bien plus rien, plus personne, comme s’il fallait passer à autre chose, s’empresser de décerner quelques nouvelles médailles, couper d’autres rubans, prononcer d’autres discours lénifiants, reprendre le cours normal des appels d’offres et celui des fuligineuses tractations, préparer les futures élections, préserver les investitures, sauver les indemnités, porter le fer en politique sans jamais dépasser les limites de la circonspection, de l’attention, de la précaution. Là où, dans l’entre soi des “comités d’admiration mutuelle”, le déni prendrait, comme le veulent les usages locaux, le pas sur l’affliction.
Un peu comme si, finalement, derrière les nuances qu’impose la prudence, la portée des éclaboussures était plus redoutée que le verdict des impostures !

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