Saccages agricoles : plus facile de “soulever la terre” que de vouloir ou savoir la travailler ! [par J.-P. Pelras]

Comme eux, j’ai été maraicher jusqu’à l’aune des années 2000 – 13 hectares de serre double paroi gonflable, production de plants, cultures hors sol en tomates et concombres, cultures de salades et d’artichauts en plein champ… Et puis, parce que nous étions frontaliers avec l’Espagne, nous avons dû plier boutique, car confrontés au jeu des importations déloyales. Depuis, maraichage et arboriculture dans les P.-O. sont réduits à leurs portions congrues. Je sais, comme eux, ce que provoque chez le paysan le caprice des éléments, quand la neige (comme dans les P.-O. en 92) fait s’effondrer les serres ou quand le vent fait claquer les bâches au milieu de la nuit, quand la chaudière tombe en panne, quand le forage se tarit, quand les mercuriales s’effondrent, quand l’huissier tape à la porte, quand plus rien n’a de prix…

Mais je n’ai jamais vécu ce que les maraîchers nantais viennent de vivre. Peut être car, à l’époque, les activistes anti-agriculteurs n’étaient pas encore adulés par certains responsables politiques, peut-être car la notion de propriété était encore respectée, peut-être car rentabilité et compétitivité n’étaient pas systématiquement relayées au rang des priorités à dévoyer, à éliminer. Peut-être car ceux qui “soulevaient la terre” étaient ceux qui savaient la travailler. Peut-être, surtout, car il existait encore des responsables syndicaux capables de s’indigner autrement qu’en répétant à l’envie : “Tenez bon, nous sommes là, nous vous avons compris !”.

Une propension à détruire devenue virale

De mon temps, et oui, il faut parler comme ça…, les énergumènes qui ont saccagé en toute impunité les exploitations maraichères nantaises, qu’elles soient ou non destinées à l’expérimentation, donc à l’amélioration des productions, n’auraient certainement jamais pu renouveler leurs exploits une seconde fois. Cette propension à détruire tout ce qui pousse ou contribue à faire pousser doit cesser. Car, devenue virale, elle suscite un climat de colère qui pourrait, bien évidemment, dégénérer. Sachant, de surcroît, que si elles ont bien évidemment un impact économique, ces actions sont totalement contreproductives écologiquement parlant, puisqu’elles condamnent les efforts entrepris par la recherche pour limiter l’usage en eau et l’utilisation des produits phytosanitaires.

Les syndicats agricoles (excepté, bien sûr, celui qui cautionne, avec l’appui politicien des leaders écologistes, les mouvements activistes) doivent sans délai soutenir les exploitations vandalisées et intenter des actions en justice. Ils doivent le faire en dénonçant les saccages, bien entendu, mais également les pertes de revenu, le préjudice financier, matériel et moral. Oui, moral, comme le font certains environnementalistes quand ils évoquent les nuisances imputées au monde agricole et la gêne occasionnée par les pratiques champêtres qui les empêchent, soi-disant, de vivre leurs vies d’enfants repus et gâtés.

Les syndicats agricoles doivent régir sans délai

La FNSEA, les Jeunes Agriculteurs et la Coordination Rurale doivent, sans plus attendre, porter plainte afin de dénoncer l’ensemble des exactions et autres intrusions recensées, toutes filières confondues et sur l’ensemble du territoire, depuis des années. Ils doivent également exiger de la part de l’État, non pas du soutien, mais des actes et des mesures cœrcitives à l’encontre de ceux qui vandalisent l’outil de production. Tout comme ils doivent exiger de l’ARCOM des droits de réponse systématiques aux émissions à charge diffusées contre l’agriculture par certains médias et notamment ceux appartenant au service public.
Le déferlement de mensonges, d’idées préconçues et de raisonnements écologistes promus par des célébrités ou des journalistes pro-environnementaux est d’en train d’influencer auditeurs et téléspectateurs dans des proportions qui suscitent la nausée et finiront par légitimer les actions de ceux qui, au nom de la nature, se croient autorisés à tout casser.

La stigmatisation, qu’elle soit active ou passive, à l’encontre du monde agricole français est en train de précipiter le déclin de notre ruralité et condamne, à court terme, notre autonomie alimentaire déjà suffisamment malmenée par le flux des marchandises importées. Quant à ceux qui détruisent les cultures car ils estiment qu’elles ne sont pas vivrières, nous pouvons nous demander s’ils déploient autant d’énergie pour saccager d’autres productions. Celles que nous qualifierons d’irrégulières !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *