Viticulture P.-O. : et maintenant la coulure ! [par Yann Kerveno]
Trop sensibles, les grenaches ont abondamment coulé après le week-end caniculaire de la mi-juin.
Pour le vignoble de Banyuls, épargné par le gel, la facture de la coulure des grenaches sera lourde. Sur le terroir de Maury le constat est le même, ça a coulé. Mais aussi dans la vallée du Rhône, dans l’Aude sur certains secteurs, dans l’Hérault… À Maury comme à Banyuls, il est encore difficile de dresser un bilan clair de ce qui se joue depuis le premier coup de chaud de l’année, le week-end du 12 et 13 juin. Dans les parcelles de grenache, les seules à avoir été touchées, la situation est différente d’un cep à l’autre. “C’est difficile à dire mais on doit être entre 25 et 40 % de pertes sur ce cépage à cause de la coulure sur le cru” estimait Romuald Peronne, président du cru, en soulevant le feuillage dans son vignoble. “C’est très hétérogène mais on sera probablement autour de 30 % de pertes au moins.”
Président du GICB, Laurent Barreda confirme le diagnostic. “Tout de qui était déjà en grain a bien résisté mais les ceps qui terminaient leur floraison ont été dévastés.” L’affaire est d’autant plus rageante qu’il n’y a pas grand-chose à faire pour prévenir, et que les mécanismes de la coulure ne sont pas forcément bien compris. Romuald Peronne précise : “On sait que les grenaches sont coulants, en particulier les noirs, mais comment expliquer qu’il y ait tant de variations d’un cep à l’autre ?” Sur Maury, vignoble déjà éprouvé par le gel du 28 avril, la présidente du cru, Aurélie Pereira, rapporte une semblable hétérogénéité dans les parcelles sans pouvoir avancer une estimation, toujours délicate à avancer.
Autorégulation ?
La cause ? Là aussi il n’est pas facile d’y voir clair. “Il y a eu le coup de chaud du week-end dernier certainement qui est survenu, en plus, après une très rapide et puissante poussée végétative, est-ce qu’il n’y a pas eu un rééquilibrage” se demande-t-elle ? Dans le vignoble audois, particulièrement éprouvé par le gel de cette année, la coulure est aussi à l’ordre du jour. Mais dans des proportions qui semblent moins importantes qu’à Banyuls ou Maury. “Nous avons l’habitude de voir les grenaches couler, ce n’est pas surprenant et les sorties étaient très importantes, est-ce que finalement ce n’est pas aussi pour les plantes un moyen de s’autoréguler ?” se demande pour sa part Alexandre They, président des vignerons indépendants de l’Aude. Sur Banyuls, la coulure aura en tout cas un impact non négligeable avec des parcelles complètement nettoyées. “Cela pose la question de notre dépendance aux grenaches” réfléchit le président du cru. “Les grenaches, toutes couleurs confondues, représentent les trois quarts de notre encépagement, les grenaches noirs, les plus fragiles, comptent pour les deux tiers de la surface.”
Si les estimations sont justes, le cru pourrait avoir perdu 6 000 à 7 000 hectos dans cette coulure. “Individuellement, et pour certains coopérateurs qui ont tout perdu en particulier c’est dramatique, à l’échelle du cru, nous regretterons de ne pas pouvoir profiter d’une année prometteuse. Nous pouvions faire une très belle vendange avec des volumes compte tenu des sorties. Mais non, nous ferons une récolte habituelle.” À condition que les orages estivaux ou les coups de chaud épargnent le vignoble.