À force de nous prendre pour des cons… (Par Jean-Paul Pelras)

Dimanche 20 juin, je suis sur l’Aubrac et je n’ai pas envie d’avancer mon départ pour les Pyrénées-Orientales de quelques heures. Pour la première fois, autrement dit depuis presque 40 ans, je me dis que je n’irai pas voter car les politiques ne méritent plus ma voix. Ils ne méritent plus que je parcoure 400 kilomètres pour leur permettre d’accéder aux responsabilités, d’asseoir leurs pouvoirs, de percevoir leurs indemnités.
Et pourtant, ce jour-là, nous serons au rendez vous, vers 17 h 30, avec mon épouse et nos deux enfants, dont l’un vote pour la première fois, dans cette petite commune du Conflent où seulement 53 électeurs sur 112 sont venus glisser une enveloppe dans l’urne. Un record si l’on considère le taux de participation au niveau national.

Alors, pourquoi nous sommes nous nos déplacés ? Peut-être parce que nous croyons encore en cet acte démocratique qui nous donne l’occasion ne nous exprimer. Même si, du moins en ce qui me concerne, ce fut sans réel enthousiasme. Une lassitude qui devait se confirmer dans les heures suivantes avec, toutes obédiences confondues, le plus que pathétique défilé télévisé des ténors politiques. Et cette mauvaise foi qui les caractérise, cette suffisance, ce mépris vis à vis d’un peuple qui vient en bloc de leur retirer sa confiance.

Mais qui sont ces gens ? Oui, qui sont ces gens, perdants ou pitoyables présumés vainqueurs, qui osent encore imputer la cause de leur échec à ceux qui ne croient plus en leurs promesses, en leurs mensonges, en leurs décisions ?
Qui sont ces gens qui, une fois de plus, après avoir pourri leurs adversaires vont, en moins de trois jours, les solliciter pour qu’ils deviennent leurs partenaires ? Qui sont ces gens qui, pour gagner, car c’est bien de cela dont il s’agit, vont imaginer des combinaisons, décréter des coalitions, sceller de nouvelles unions ? Dans quel état d’esprit évoluent ces athlètes du suffrage pour remporter, quoi qu’il en coûte leurs compétitions ? Et ce, quitte à évoquer la crise sanitaire, les défaillances (évidentes) dans la distribution des professions de foi, l’hyper-présidentialisation du scrutin, le désintérêt pour les élections territoriales ou le pique-nique prévu de longue date avec les petits cousins.

 
Qui sont ces gens qui, malgré la défaite, avec onze ministres en exercice jetés au tapis et une majorité présidentielle qui, pour la première fois dans l’histoire de la République, ne sera pas au second tour d’une élection, se permettent de minorer la défaite ? Quand la gifle du 20 juin 2021 est autrement plus significative que celle administrée à un chef d’État quelques jours plus tôt, dans la Drôme, du côté de Tain. Puisque, cette fois ci, elle est adressée à un pouvoir déclassé qui, a défaut de vouloir reconnaître implicitement la portée de son échec n’a plus que 12 mois pour retrouver un semblant d’électorat.

Où sont, à ce titre, passés les médias qui encensaient La République en Marche, moquaient les Gilets jaunes, prenaient ouvertement parti contre les partis qui ne leur convenaient pas ? Lundi matin, chacun dans son petit coin, faisait de ses grandes idées des cocottes en papier, préparait ses cartons et s’apprêtait déjà à migrer vers d’autres opinions.
Ceux-là sont également responsables de l’abstention, comme le sont les artistes de variété qui savent mieux que nous pour qui nous devons voter, tous ces prescripteurs à la sauvette, plus opportunistes que libres penseurs, tenants d’une démocratie à géomètre variable qui dégoûte l’électeur, car la manipulation l’emporte désormais sur les arguments présentables.

Évoquons enfin, pour être à peu près complet, ceux qui nous disent “Si tu n’es pas content tu n’as qu’à te présenter !” Qui peut aujourd’hui, en dehors des partis traditionnels bordés par le jeu des investitures, prétendre au suffrage ? Le récent scrutin vient encore une fois de le démontrer avec l’élimination des petites formations. Pas un seul mot pour eux sur les plateaux télé le soir des élections où les départements ne furent même pas évoqués, où Paris captait toutes les attentions, où les régionales préfiguraient les contours de la présidentielle. Où le temps de la contagion laissait place au spectacle affligeant des petites querelles de salon.

Dimanche prochain, je retournerai voter. Parce que c’est un droit. Parce que c’est un devoir. Mais ne comptez pas sur moi pour jeter la pierre à celui qui aura décidé de ne plus jamais franchir le rideau de l’isoloir.

Jean-Paul Pelras

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