Vincent Labarthe : “Ne pas avoir peur d’engager des transitions” [par Thierry Masdéu]
Invité de la session plénière de la Chambre d’agriculture (que nous évoquerons lors de notre prochaine publication), le vice-président de la Région Occitanie, Vincent Labarthe, délégué à l’agriculture et à l’enseignement agricole, a présenté jeudi dernier la nouvelle politique de financements dans le cadre du Plan stratégique national (PSN). Une présentation riche et studieuse de mises en œuvre des moyens apportés par l’Europe qui a pour objectif d’encourager l’agriculture de demain.
Quelles améliorations vont emmener les nouvelles mesures de ce Plan stratégique national ?
À partir de 2023, la Région occupe une place qui est clairement identifiée et conforte son statut d’autorité de gestion à travers ce PSN avec des déclinaisons et moyens plus précis, mieux encadrés qu’à l’époque, comme sur l’installation. C’est l’avantage d’avoir des politiques qui sont maintenant régionalisées pour être au plus près des besoins des territoires dont les différences sont assez sensibles en Occitanie. Cela va nous faciliter la mise en place de soutiens les plus adaptés qui soient pour l’agriculture. Dans l’enveloppe des plus de 80 millions € par an, nous disposerons d’une boîte à outils très complète dont le panel des aides sera à la fois très simplifié, mais aussi la gestion du délais des versements sera réduite au maximum.
En ce qui concerne la filière élevage, pensez-vous que l’on puisse remédier à la crise sur le coût des aliments ?
Évidemment cette crise est conjoncturelle et se pose la question du lendemain et celle de la prime. Aussi j’espère que chaque éleveur saura se saisir d’une des mesures de cette boîte à outils, le CAD, le Contrat agriculture durable, pour poser la question sur la résilience de son exploitation et surtout comment aller chercher un maximum d’autonomie. Parfois, vous savez, il vaut mieux en faire moins et le faire avec ce que l’on a ! Là, nous sommes véritablement au cœur des études que peuvent apporter les CAD, si l’autonomie n’est pas possible à l’échelle de l’exploitation, elle le sera peut-être au niveau local, ou bien aller chercher une contractualisation avec des céréaliers dans un bassin reconnu. C’est là où les Chambres et les organisations professionnelles ont véritablement un rôle à jouer. Après, il y a aussi tout le volet investissement qui peut aider, principalement les coopératives, mais aussi des privés sur toutes les questions de productions d’aliments, et notamment en terme de protéines. Des projets qui voient le jour en région, il est vrai, plus sur la façade Ouest, mais on sent que cela se développe.
Qu’attendez-vous des ambitions affichées par le Plan de souveraineté alimentaire, et plus particulièrement pour la filière fruits et légumes de notre région ?
Sur cette question, la Région a toujours été claire, d’ailleurs la présidente Carole Delga avait fait de 2018 l’année de l’alimentation. Nous avons aussi contractualisé pour 11 millions € de programmes alimentaires territoriaux sur l’ensemble de la région et qui ont été accompagnés par autant de moyens d’État. Donc c’est l’un des sujets sur lequel nous sommes et souhaitons rester en première ligne ! Aussi, lorsque l’on a un département comme les P.-O. ou celui de l’Aude, où les productions fruitières et maraîchères restent tout de même importantes, l’idée c’est justement d’en faire profiter un maximum de concitoyens occitans ! J’espère que nos plans alimentaires territoriaux pourront nous y aider, parce qu’il y a forcément des échanges qui doivent se mettre en place. Et la dépendance, il vaut mieux l’avoir à un niveau régional que mondial !
Mais le problème souvent posé, c’est quand même celui de la logistique et c’est là où, certes, nous avons des responsabilités, mais nous ne sommes pas les seuls, et j’insiste bien sur ce sujet ! L’État, à part les moyens auxquels il doit contribuer, doit être aussi accompagné par les Départements, les Communautés de communes, d’Agglo ou encore les municipalités, qui doivent réfléchir ensemble à la manière dont elles peuvent résoudre cette équation de la logistique.
Justement, l’UNILET faisait état, en début de mois, de la faible autosuffisance de la production nationale en fruits et légumes pour l’industrie de la conserve et des surgelés, qui ne représente que 40 % de la consommation. En scrutant le bassin des productions de l’Occitanie, on constate plus particulièrement que les zones comme les P.-O. et l’Aude sont des secteurs très faibles pour alimenter cette industrie, alors qu’à l’époque, en Roussillon, elle était florissante sous les marques Murville et Saint-Mamet. Pensez-vous qu’il puisse y avoir une volonté politique agricole afin d’envisager des pistes pour la redévelopper et répondre aux attentes de ce marché ?
Nous serons là pour répondre en terme d’accompagnement sur le sujet de l’investissement, mais après, encore faut-il qu’il y ait des porteurs de projets avec une dimension collective assez importante. À partir du moment où il y a un projet de filière à l’échelle d’une coopérative, nous savons y répondre. J’en ai même visitées en dehors de la région, comme en Nouvelle-Aquitaine ou en Rhône-Alpes sur ces questions-là, y compris d’ailleurs sur des filières bio qui ont bien répondu aux attentes. Alors, oui, je crois que cela pourrait se mettre en place mais, encore une fois, il faut que toutes les planètes s’alignent.
La ressource en eau est de plus en plus critique. Après un été de sècheresse qualifié d’historique, il semblerait que cet hiver soit également le plus sec constaté depuis 1959. Alors, comment l’agriculture va-t-elle pouvoir se prémunir et faire face à des restrictions d’eau qui vont s’avérer plus drastiques que l’été dernier ?
L’hiver et la période de recharge ne sont pas encore terminés et parfois il peut y avoir un printemps très pluvieux et un été qui ne soit pas celui dont tout le monde parle, du moins je l’espère ! Dans tous les cas, oui, on se dirige vers de nouvelles restrictions d’eau avec des schémas beaucoup plus contraignants que ceux que l’on a déjà connus ! Il faut s’organiser pour y faire face en réfléchissant à des stratégies auxquelles on n’a pas pensé. Nous sommes très en ligne sur les questions d’économies d’eau, mais aussi de récupérations de capacités. Je pense notamment au Tarn et Garonne où l’on dispose par exemple de plusieurs millions de m3 qui sont finalement mobilisables, ne serait-ce que par le désenvasement et aussi l’interconnexion des lacs. Ce sont des pistes à envisager avant de pouvoir penser à créer de nouvelles réserves, qui demeurent des nécessités, même si on ne peut plus envisager des réalisations de capacités monstrueuses comme par le passé, mais plutôt de dimensions et tailles acceptables !
À ce titre, l’État, au travers de la préfecture, comme celle des P.-O., ne semble pas être opposé à la réalisation de retenues collinaires ou de bassines, encore faut-il, comme l’a rappelé le représentant du préfet lors de la session plénière de la Chambre, qu’il y ait dépôts de dossiers et identifications de porteurs sérieux. La Région ou le Conseil départemental pourraient-ils être dans la locomotive ?
Je crois plus à un échelon local comme le Département qui doit cautionner un schéma sur les retenues collinaires, ou du moins, en tous les cas, ne doit pas rester complètement à côté du sujet, loin s’en faut ! Il a un rôle important à jouer, tout comme cela peut être aussi bien le cas pour la Chambre d’agriculture sur ces questions de l’eau. Nous faisons partie de ceux qui sont convaincus que l’agriculture a nécessairement besoin d’eau, surtout sur des territoires comme les vôtres, et les financements qui vont avec pour pouvoir réaliser l’investissement. Mais je crois que cela ne s’arrête pas là, et il faut aussi ne pas avoir peur de s’interroger finalement sur la nécessité d’engager des transitions par rapport au modèle agricole.