Vignobles du monde : les nouvelles du mois de mai 2021 [par Yann Kerveno]
À quelque chose malheur est bon
Pendant que les Australiens sont toujours quasi interdits de marché chinois, la France retrouve sa place perdue de premier fournisseur de vin de l’Empire du milieu. Au cours du premier trimestre 2021, les exportations françaises vers la Chine ont progressé de 16 % pour les vins en bouteilles et totalisent 271 000 hectolitres. Mais le grand gagnant de l’affaire est bien le Chili, qui voit ses ventes bouteilles progresser de 23 % à 158 000 hectos et ses ventes en vrac de 23 % également à 185 000 hectolitres. Les Chinois ayant rompu début mai toute discussion sur ce sujet, les taxes peuvent atteindre 218 %, imposées pour 5 ans, elles restent donc d’actualité. Les exportations australiennes vers la Chine ont reculé de 80 % depuis le début de l’année.
ASDA fait sauter les conventions
Les distributeurs ne sont pas connus pour s’embarrasser de fioritures si c’est nécessaire pour préserver ou faire
gonfler la marge. Ainsi, l’Anglais ASDA vient de bousculer complètement l’ordonnancement de son rayon vin en rangeant les produits par cépage plutôt que par région d’origine. Cette révolution fait suite à une étude qui mettait en évidence que pour 74 % des consommateurs anglais de vin, le cépage est l’élément déterminant de leur recherche et de leur choix. Pour accompagner le mouvement, le distributeur lance également une marque propre qui regroupe les vins par cépage et style plutôt que par origine. ASDA espère ainsi, en regroupant les cépages par proximité de goût, amener ses clients à découvrir de nouveaux cépages, au-delà du merlot, du chardonnay et du pinot grigio.
Dans trois ans, les grands Cavas sont tous bio
C’est le choix du conseil de régulation du Cava que d’imposer ainsi un mode de production pour pouvoir prétendre au label Cava de garde supérieur, catégorie qui comprend les Cavas reserva (18 mois d’âge), les Gran reserva (30 mois d’âge) et les Cava de Paraje Calificado (dénomination complémentaire et 36 mois). Cette exigence vient en sus de celles existantes, vignes âgées d’au moins 10 ans, 10 tonnes de raisin maximum à l’hectare… Il se produit aujourd’hui environ 13 millions de cols de Cava bio dont un tiers dans les catégories supérieures.
D’ailleurs, le vin “durable” est-il meilleur que les autres ?
Meilleur, le vin bio ? C’est ce que laisse penser une étude conduite par deux chercheurs, Magali Delmas et Olivier Gergaud, qui ont analysé 128 000 fiches de dégustations de trois revues œnologiques françaises (Gault & Millau, Bettane+Dessauve pour des dégustations semi-aveugles) et Gilbert et Gaillard dont les dégustations sont conduites complètement à l’aveugle. Une fois tous les résultats passés à la moulinette, il ressort de l’étude que les vins bio ont de meilleures notes,
+ 6,2 points au-dessus de la moyenne des vins conventionnels. Mais les auteurs font remarquer que la solidité de la performance semble corrélée à la présence d’une certification indépendante du dispositif. Les vins issus de l’agriculture raisonnée sans certification se plaçant au même niveau que les vins issus de la viticulture conventionnelle.
Italie : amère rançon du succès ?
Faut-il craindre une pénurie de Prosecco rosé cette année ? C’est ce qu’affirment en tout cas les professionnels italiens après le succès foudroyant (16,8 millions de cols) de la première année de commercialisation de la déclinaison rosée de leur pétillant. La cause ? Le manque de pinot noir, seul cépage rouge autorisé dans le décret d’appellation. Si les opérateurs s’attendent donc à de fortes tensions sur les prix en 2021, la tension ne sera que passagère, le temps que les jeunes vignes de pinot noir plantées pour accompagner le développement du Prosecco Rosé entrent pleinement en production, pour la vendange 2022.
La bouteille qui évitera les grands crus
L’un des plafonds de verre de la production viticole en termes d’émission de carbone sera la bouteille, justement, en verre. Outre le plastique et l’aluminium, dont les performances en la matière ne sont pas idylliques non plus, les alternatives ne sont pas pléthore. Une entreprise toulousaine, Green Gen Technologies, vient de mettre au point une bouteille tressée de fibres végétales assemblées par une biorésine capable de se biodégrader toute seule… Avec des performances intéressantes, elle est trois fois moins lourde qu’une bouteille en verre et est capable de se dégrader en quelques semaines si elle est cassée en petits morceaux dans un endroit chaud et humide (un compost par exemple ?). Seul hic, même bien conservée, elle ne tient pas plus de dix ans, on évitera d’y embouteiller du Petrus !