Un ministre des villes pour s’occuper des champs (Par J-Paul Pelras)

“Castex Premier ministre : une chance pour notre département !” Une phrase qui revenait régulièrement dans les conversations vendredi dernier, entre Collioure et Bourg Madame, entre Maury et Coustouges quand, un peu partout, dans les Pyrénées-Orientales, l’arrivée inattendue du maire de Prades à Matignon provoqua, bien évidemment, l’effet de surprise escompté. Avec, d’un côté, ceux qui font référence aux péripéties de la RN 116, véritable colonne vertébrale de notre département, fermée à la circulation pendant des mois, au train qui n’en finit pas de ne plus revenir en Conflent, aux problèmes de liaisons téléphoniques et internet, à une offre de soins déficiente ou encore à la paupérisation, voire à la marginalisation du haut pays. Castex était-il le seul responsable de cette situation ? Bien sûr que non, le désengagement de l’État concernant la RN 116 et, entre autres, la désertification de nos campagnes, ne pouvaient être imputés au seul président de la communauté de communes Conflent Canigou. Et ce, même si certains ont cru qu’une fois nommé délégué interministériel aux Jeux Olympiques ou, plus récemment, à la gestion du déconfinement, l’édile était en quelque sorte devenu l’homme providentiel. Quant à la formule “Une chance pour notre département”, disons que, si elle convient à ceux qui voient un messie dans chaque politique capable de décrocher un ministère à Lutèce, la déconvenue risque d’être proportionnelle à l’espoir que suscite la promotion. Tout simplement car Castex n’est pas le Premier ministre des P.-O., il est le Premier ministre de la France. Et s’il vient, localement, de ravir la vedette à Louis Aliot sur le front médiatique local, c’est désormais le pays tout entier qui a les yeux rivés sur l’action de son gouvernement. Parce qu’il faut se faire une raison, celui que nous appelions sur son portable hier encore en le tutoyant pour évoquer le canal de Bohère, l’accès au Canigou ou le stationnement des jours de marché à Prades a désormais entre les mains l’avenir d’un pays qui traverse une crise historique inédite, dans un contexte où, de surcroît, débute la seconde partie du quinquennat présidentiel.
Jean Castex porte, à ce titre, une double responsabilité. Celle qui consiste à sortir la France de l’ornière économique et sociale où elle fut précipitée par les effets du confinement et celle qui permettra “peut être” de faire réélire Macron à l’Élysée. C’est dire si l’homme a du être choisi avec beaucoup de circonspection et de discernement dans le haut de ce panier politique où le premier d’entre nous est allé chercher à la fois son stratège et, le cas échéant, son tout premier fusible.

N’y avait-il pas plus expérimenté dans la galaxie politique que ce jeune homme pour gérer le quotidien et le devenir de nos paysans ?
Reste ensuite à connaître les priorités de ce gouvernement avec la ministre de la Transition écologique qui occupe d’emblée la troisième place dans l’organigramme des responsabilités devant l’économie et bien avant l’agriculture. Cette agriculture qui doit être protégée des lobbies et des lubies environnementalistes. Cette agriculture qui sera donc gérée par Julien Denormandie. Lequel passe du ministère de la ville à celui des champs.
N’y avait-il pas plus expérimenté dans la galaxie politique que ce jeune homme pour gérer le quotidien et le devenir de nos paysans ? L’agriculture est-elle devenue une variable d’ajustement promise aux caprices et à l’hégémonie d’une écologie devenue, par calcul politicien, priorité nationale devant l’économie ? Comment, d’ailleurs, ne pas percevoir ici un écho au Grand débat agricole initié en mars dernier et piloté par un collège composé d’experts en urbanisme ? Va-t-on, pour nous convaincre du contraire, nous raconter qu’un ministre équipé d’un diplôme d’ingénieur agronome (AgroParisTech), obtenu voilà 20 ans, fera bien l’affaire pour répondre au malaise paysan ? Pourquoi ne pas avoir pensé pour entendre et porter la voix de nos campagnes à quelqu’un comme Jean Lassalle, par exemple, homme de terroir, homme de convictions également qui, me direz-vous, aurait peut-être eu l’honnêteté de décliner l’offre ?
Quoi qu’il s’en soit, nous serons bien sûr très attentifs à l’attention qui sera portée par ce gouvernement à notre agriculture et à la ruralité. Sachant que le Premier ministre est depuis de nombreuses années un fidèle lecteur de l’Agri. Une lecture qu’il peut désormais conseiller à M. Denormandie.

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