Les petits cons [par Jean-Paul Pelras]

Ils veulent nous empêcher de rouler, préconisent une augmentation du prix des carburants, suppriment le nucléaire et le chauffage au fioul, condamnent l’usage du charbon. Mais, paradoxalement, car ils ne sont pas à une aberration près, ils nous poussent à consommer davantage d’électricité pour nous déplacer, faire tourner nos entreprises et chauffer nos habitations. Ils veulent nous interdire la viande et sponsorisent, par ricochet, celle que les labos vont fabriquer. Ils veulent gérer nos campagnes sans y avoir jamais mis les pieds en dehors des vacances aux sports d’hiver et une semaine par an passée dans la ferme du pépé.

Ils sont en train d’imaginer une nouvelle société numérisée où chacun aurait son petit QR code attitré, indélébile, traçable et “H24” surveillé. Ils font, les yeux rivés sur leurs outils ultra connectés, table rase de nos traditions et de tout ce que nos anciens ont imaginé. Ils mènent soit-disant une lutte contre toutes les discriminations qui, à bien y regarder, suscite d’autres partitions, exacerbe d’autres tensions. Ils prônent la non mixité, l’intersectionnalité, la décroissance, la déconstruction. Ils dénoncent le savoir universel et encouragent les biais inconscients. Ils sont, adeptes du grand chambardement, ceux qui doivent nous apprendre à consommer, à cultiver, à construire, à travailler, à voyager, à nous habiller, à investir, à gérer, à éduquer, à nous soigner, à nous faire vacciner, à nous déplacer et, bien sûr, à calibrer nos opinions. Signe particulier, vous l’avez peut-être remarqué : ils ne sourient jamais. Ce sont des petits cons.

Les donneurs de leçons ont remplacé les révolutionnaires

Fossoyeurs du bien vivre et de la gourmandise, ils sont, toutes tendances politiciennes confondues, les nouveaux procureurs du temps qui passe. Promoteurs de l’hygiénisme, ils imposent sans suggérer, ils aseptisent tout ce qui fait le sucre et le sel de l’existence pour leur préférer la culpabilité et la repentance. Que s’est-il passé en moins de 50 ans ? Quand, nous qui venons du pays où il était “interdit d’interdire”, voyons, à notre cœur défendant, la jeunesse du moment se mettre à prohiber à l’avenant, y compris notre façon de penser, notre liberté de mouvement.
Et nous voilà passés, en quelques années, de l’insouciance à la sévérité, de l’indolence à l’austérité. Qu’est devenue cette capacité d’indignation qui, pour un oui ou pour un non, battait le pavé lorsqu’il fallait défendre nos droits, notre pouvoir d’achat, notre dignité ?

Les donneurs de leçons ont remplacé les révolutionnaires. La coercition encourage la soumission, les accommodements raisonnables et l’esprit grégaire. Il n’est plus question aujourd’hui de lutter ou de revendiquer pour redonner du pouvoir d’achat et éviter l’inflation, mais pour imposer des taxes à tout bout de champ et punir, en les faisant payer, les vieux cons. Ces vieux cons responsables de la montée des océans, de la disparition des abeilles, de l’identité du genre, de l’exode des migrants, de la domination culturelle et de tout ce qui contribue sur terre à la misère et à l’empoisonnement. Cobayes affaiblis, vieillissants, résignés, nous sommes, de surcroît, devenus coupables de tout ce que nous avons été. Quelque part à l’aune d’une époque qui renie son histoire pour exaucer ses caprices et imposer, sans nous ménager, ce qu’elle croit être sa très contestable vérité.

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