Tu peux tout faire, mais ne me déçois jamais ! (Par J-Marc Majeau)
Et si je m’étais trompé ? Si j’avais transmis à mes enfants de faux préceptes et de mauvais conseils ? Si, à trop avoir écouté mes aïeux et voulu respecter la promesse que je leur avais faite, j’avais pris la mauvaise route ? Le spectacle ambiant de la société, pour ne pas dire, comme Guy Debord, “la société du spectacle”, vient aujourd’hui bousculer mes certitudes. Quand il me semblait que l’honnêteté, la persévérance, la modestie, la sincérité et la “droiture” représentaient les bases de ce qui vous rendait respectable, je constate que la versatilité, l’opportunisme, la vanité et la trahison sont devenues aujourd’hui des armes indispensables à toute velléité de représentation.
Dans un monde surmédiatisé, où chacun peut accéder à un vedettariat quasi planétaire pour des faits d’armes ridicules, les règles ont changé. Ce qui demandait du temps, de l’expérience et de la construction, arrive maintenant sur un simple coup du sort, une combinaison gagnante aussi spontanée qu’éphémère. Une gloire, aussi objective qu’obsolète, qui gonfle la tête de tous ces “influenceurs”, ces “youtubers” et ces stars du web, mais aussi celle des “puissants”, qui voient là un terrain propice à l’assouvissement de leur démagogie maladive et de leur populisme rampant.
Nous avions vu Blanquer faire le clown en jouant à la marelle, Schiappa se lancer sur Tik Tok pour paraitre branchée, Valls changer de nationalité au gré de ses ambitions, je ne parle pas de Grivaud… Et voici maintenant, que notre président se lance dans un concours d’anecdotes avec Mc Fly et Carlito, avec pour objectif de séduire les jeunes… Sans déconner ! Oui : nous sommes au spectacle ! Mais la question que je me pose, est celle de savoir si ce genre de pitreries ont, ou non, une chance d’influencer les votes des “citoyens électeurs” de ce pays. L’idée même de se la poser rend l’interrogation saugrenue. Et pourtant, si les “stratèges communicants” qui conseillent nos dirigeants, les obligent à de telles dérives, c’est parce qu’ils sont persuadés qu’elles auront un impact sur les intentions de vote. Ce serait pour moi la preuve d’un délitement avéré de la notion de “démocratie directe”. Tout simplement parce-que cela viendrait insinuer l’idée que l’on peut demander la confiance des gens, sans les assurer de ne pas les trahir à la première occasion.
“Tu seras un homme mon fils…”
Que Macron soit capable de raconter de fausses anecdotes ne lui confère aucun talent particulier. En tous cas, aucune qualité que nous ne connaissions déjà chez ce personnage qui, depuis cinq ans, passe son temps à faire des concours d’éloquence et à contredire toutes les promesses faites avant son intronisation. Comme dirait ma grand-mère : “celui-là, il vendrait des skis à un cul-de-jatte !”. Il me semble donc inutile de le voir faire un “fight” avec deux comiques, dans le seul but de nous convaincre du fait que ses talents de bateleur et de vendeur de foire sont exceptionnels. Cependant, si ces tartuferies fonctionnent, alors, je crains que mes conseils éducatifs n’aient pas suffisamment armé mes enfants pour affronter ce “nouveau monde”.
Quand mon texte conducteur a toujours été le poème de Rudyard Kipling, les comportements actuels me rendent dubitatif. Comme si l’on avait tout oublié ! Comme si “l’honneur”, “la parole donnée” ou “l’engagement tacite” étaient devenus des notions obsolètes. Et pour que vous puissiez vous en faire une idée, je ne résiste pas au plaisir de vous rappeler quelques bribes de ce texte capital : “… Si tu peux rester digne en étant populaire… Si tu sais méditer, observer et connaitre, Sans jamais devenir sceptique ou destructeur, Rêver, mais sans laisser ton rêve être ton maître, Penser sans n’être qu’un penseur… Si tu sais être bon, si tu sais être sage, Sans être moral ni pédant… Si tu peux rencontrer Triomphe après Défaite, Et recevoir ces deux menteurs d’un même front… Alors les Rois, les Dieux, la Chance et la Victoire, Seront à tout jamais tes esclaves soumis, Et, ce qui vaut mieux que les Rois et la Gloire : Tu seras un homme, mon fils”.
À croire, aujourd’hui, que l’on peut devenir quelqu’un sans avoir construit les fondations qui semblaient autrefois indispensables à la reconnaissance publique. Juste parce qu’on privilégie maintenant le “paraître” à ce qui faisait la quintessence et la noblesse de “l’être” ! À croire que, toute notion de genre mise à part, “devenir un homme” ne fait plus partie du vocabulaire collectif.