Tribune : Ah, si j’étais Christiane ! [par Noémie Collet]

Le contexte n’a échappé à personne. Sur fond de guerre, bien que le “quoi qu’il en coûte” nous ait déjà fait grincer des dents à la pompe dès l’aube de cette année pour le moins chaotique, tout flambe. Du jamais vu. Les prix s’emballent, minerais, carburants, gaz, blé, entraînant une inflation générale. Pourtant, à l’heure actuelle, les prix sont victimes, non pas des pénuries prédites, ni même des sanctions martiales visant l’économie russe, mais de la simple spéculation et de l’emballement des marchés ! Alors qu’en sera-t-il, si réellement nous devions manquer d’approvisionnements ?

Car l’alerte est belle et bien lancée, d’abord pour les énergies. D’après Jean-François Carenco, président de la Commission de régulation de l’énergie, “il faut économiser du gaz et de l’électricité en France dès maintenant sinon cela pourrait mal se passer l’hiver prochain”. La faute bien sûr aux tensions internationales, mais aussi à la baisse de productivité de nos centrales nucléaires dont la production est au plus bas depuis 1991, notamment car certaines sont fermées pour maintenance. Il le dit dans son entretien aux Échos, “invitant chacun à faire des efforts, les industriels, le tertiaire, les bâtiments publics mais aussi chacun d’entre nous, que ce soit en baissant le chauffage, la climatisation, les lumières. Il y a urgence et chacun doit s’y mettre”.

Pas très rassurant !

Même discours rue de Varennes, depuis que Denormandie a rencontré ses homologues européens. Il prévient, le conflit pourrait engendrer une crise alimentaire mondiale, puis rassure, heureusement “pas de pénurie en France” dit-il. Aux affaires étrangères, on s’inquiète de crises telles que le Printemps Arabe. L’Afrique du Nord étant totalement dépendante du blé russe, on sait que son augmentation condamnerait les populations les plus pauvres, en Asie également.

Désormais, à l’unisson, ils n’ont plus qu’un mot à la bouche : souveraineté ! N’est-ce pas là le comble du comble ! Et Macron de rajouter “l’Europe ne peut pas se permettre de produire moins !”. Et c’est reparti pour un plan communautaire de 450 millions, encore un, qui débloque la culture des jachères, soit 4 millions d’hectares à l’échelle européenne, et d’autres mesures à préciser dans les jours prochains. Concernant les jachères, ces terres bien souvent pauvres, qui nécessiteront de gros moyens pour arriver à des rendements convenables, la Coordination Rurale a fait circuler des précisions sur la conditionnalité : ces parcelles qui entrent dans le cadre de la dérogation Ukraine, administrativement, sont bien considérées comme des jachères : pas d’aides couplées possibles, elles ne comptent pas non plus pour l’ICHN. Ben voyons !

Mi-mars, les voix se sont élevées chez les professionnels, le GNR ayant quasiment doublé, mais les blocages de raffineries ont abouti à une cynique remise de 15 centimes le litre de GNR, bien loin des attentes et de la nécessité, si comme annoncé, “ils” veulent défendre la souveraineté.
Alors, si j’étais Christiane, au lieu de son “2022 s’annonce pas mal” lâché devant la FNPL (Fédération des producteurs de lait), le 22 mars dernier à Paris, ou encore son tweet du 3 avril “il faut produire plus en France”, et bien oui, à sa place, je leur dirais : “mes chers sympathisants et les autres, voilà bien trop longtemps que nous sommes la variable d’ajustement d’un système où nous sommes les victimes. Les politiques successives nous ont conduit à l’érosion irréversible des campagnes dans le mépris et l’indifférence générale. Compte tenu de la flambée du coût des intrants et de l’insécurité du marché, je vous invite sagement à ne pas tenir compte des nouveaux caprices gouvernementaux et européens même si l’état nous demande, et ça peut paraître grisant, de sauver le monde ! (Les soignants en ont fait les frais). Les promesses n’engageant que ceux qui les croient, laissez donc les jachères en l’état, à quoi bon travailler plus, non pas pour gagner moins, mais pour perdre encore plus !”

Une réflexion sur “Tribune : Ah, si j’étais Christiane ! [par Noémie Collet]

  • 8 avril 2022 à 17 h 58 min
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    Pour avoir participé à l’AG de la FNPL je ne me souviens pas avoir entendu de la bouche de Christiane comme vous dites dans votre article que 2022 commence mal, elle avait un discours plutôt optimiste pour l’avenir de la production en France sur le long terme, même si je vous l’accorde sur le court terme cela semble plus compliqué.
    Merci

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