Tomates marocaines importées par bateau : et maintenant l’alibi écologique ! (Par Jean-Paul Pelras)

Fut un temps, les élus se gardaient bien de poser sur la photo lorsqu’il s’agissait de promouvoir les importations fruitières ou légumières, premières responsables du déclin agricole local, et national pour certaines filières. Les temps changent avec des responsables politiques, économiques et consulaires en première ligne venus saluer le 14 novembre dernier, la relance de la liaison maritime entre Agadir et Port-Vendres, 2000 tonnes de tomates marocaines ayant ainsi été livrées ce jour-là sur le sol français. Un moyen de transport qui permettra, selon les officiels présents, de réduire les émissions de Co² par rapport au transport terrestre.  

Mais de quoi parle-t-on exactement ? Si ce n’est de l’importation de marchandises, en l’occurrence de tomates, produites dans des conditions environnementales et sociales lamentables.

Où sont passés les donneurs de leçons qui voulaient, cet été, interdire l’irrigation aux agriculteurs de la Vallée du Tech dans les Pyrénées Orientales, alors que la récolte fruitière battait son plein ? Ils sont, de toute évidence, beaucoup moins combatifs, à quelques kilomètres de là, lorsqu’il s’agit de dénoncer l’exploitation de salariés payés 0,74 € de l’heure au Maroc contre 12,8 € en France, la surexploitation des ressources en eau et l’utilisation du méthiocarbe ? Insecticide interdit depuis 2020 sur le sol européen, mais toujours autorisé au Maroc pour les légumes destinés notamment à l’exportation. Avec un taux 1 233 % plus élevé que le seuil autorisé, ce qui valut au royaume chérifien en 2021 une interdiction d’exporter tomates et poivrons vers l’Allemagne …

Des arguments mis en avant par la filière tomate française qui dénonçait récemment « une très forte concurrence des produits marocains dont la présence sur les étals français est d’autant plus inacceptable, qu’elle se développe en pleine saison de production nationale ». L’AOPn tomates met, à ce titre, en avant l’engagement des principaux opérateurs français de la filière dans la certification Haute Valeur Environnementale ainsi que les labels « Zéro résidus de pesticides » et « sans pesticides ». Précisons encore que la Commission des affaires économiques du Sénat a souligné dans un récent rapport le soutien  apportée  par la France  à « la stratégie marocaine de  développement accéléré d’une agriculture compétitive et à haute valeur ajoutée » Et les parlementaires de rappeler concernant l’irrigation marocaine, que ce pays procède à des pompages illégaux alors qu’il sera de plus en plus confronté au déficit hydrique : « le développement de l’irrigation a contribué à la surexploitation de la plupart de ressources en eaux souterraines et à la baisse alarmante des niveaux de plusieurs nappes, ainsi qu’à la dégradation de la qualité de l’eau. »

Alors oui, certains élus trahissent l’agriculture française !

Des arguments qui ne semblaient pas émouvoir outre-mesure les officiels venus inaugurer l’arrivée du porte-containers sur le sol français. Rappelons qu’au printemps dernier, prétextant là encore l’enjeu écologique du ferroutage sur le transport routier, c’est le Premier ministre Jean Castex en personne qui inaugurait en grande pompe le Train des primeurs largement subventionné par l’Etat. (Voir Edito L’Agri et Tribune Le Point 21/10/2021) Et ce, pour permettre principalement l’acheminement de productions transitant par le marché Saint Charles, en provenance d’Espagne ou du Maghreb. Productions qui bénéficient, grâce aux nombreux accords bilatéraux, de droits de douanes préférentiels avec, de surcroît, un manque de lisibilité sur l’étiquetage d’origine.

Résultat des courses, la production de tomates françaises est en constante régression alors que l’importation marocaine sur notre sol est passée d’environ 95 000 tonnes en 1990 à 350 000 en 2021. Au total 36 % des tomates fraîches consommées en France sont importées. Une usurpation de nos marchés traditionnels qui va malheureusement s’accélérer avec l’augmentation du coût des énergies et une répercussion insupportable sur l’économie des structures maraîchères et serristes.

Si la défense des productions nationales est devenue un pis-aller pour certains politiques, l’argument écologique utilisé pour le transport maritime ou ferroviaire des marchandises importées est totalement déplacé, voire indécent.  Verra-t-on un jour des politiques applaudir sur l’Aubrac l’importation de viande en provenance d’argentine ? C’est pourtant ce qui se passe régulièrement dans le Midi de la France avec des productions fruitières, légumières ou viticoles stigmatisées par les mouvements environnementalistes. Un combat politico-écologiste à géométrie variable où certains, plutôt que de designer les importations polluantes et esclavagistes, préfèrent contraindre les paysans français en leur imposant des règles environnementales, sociales et fiscales inadaptables et inadaptées. Mais aussi en rationnant l’irrigation quand ce n’est pas en cautionnant ouvertement les activistes qui saccagent les installations.

Alors oui, que ce soit avec le Train des primeurs au printemps ou le cargo en provenance d’Agadir cet automne, certains élus trahissent l’agriculture française, ils contribuent à l’érosion inéluctable de notre économie et à la paupérisation de nos territoires, ils encouragent l’importation de produits qui, de surcroît, vont à l’encontre des fondamentaux de l’écologie.

Jean-Paul Pelras 

Une réflexion sur “Tomates marocaines importées par bateau : et maintenant l’alibi écologique ! (Par Jean-Paul Pelras)

  • 18 novembre 2022 à 10 h 14 min
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    De la vache d’Argentine à Marchastel c’est totalement impensable et hors d’actualité à la Tourre et c’est tant mieux.
    Une brioche importée à Saint Urcize impossible la fougasse y est tellement bonne avec sa recette transmise de Père en Fils depuis … 1858 !!!
    La France agricole va résister, rebondir … certes cela ne va pas être facile avec toutes ces décisions, normes, directives, jachères … mais les agriculteurs, maraîchers, vignerons, éleveurs … ont du bon sens et de l’inventivité.
    Ne plus baisser la tête, regarder l’éclaircie à l’horizon ! je sais c’est facile à dire mais il faut espérer et croire en notre avenir.

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