Terra dels Avis : une collection unique au service de l’agriculture ! [par Thierry Masdéu]
Sauvegarder la mémoire de l’agriculture Nord-catalane et la divulguer au travers d’outillages agricoles appartenant au passé. Telle est la mission que les adhérents de l’association “Terra dels Avis”, basée à Elne, s’efforcent de maintenir et développer depuis 2005.
Dix-huit années de recherches passionnées qui ont permis la collecte et le référencement de toutes sortes d’objets, dont certains sont plus que centenaires. Un fonds auquel il faut rajouter celui du musée de Saint-Michel-de-Llotes que l’association a également pris sous son aile. Outils, machines, véhicules, tenues vestimentaires, publications, etc. Tous liés directement ou indirectement à l’activité agricole des Pyrénées-Orientales. Un patrimoine riche de 10 000 pièces inventoriées, certaines classées “monument historique”, qui ne demandent plus qu’à être dignement exposées. S’offrir au public, une échappatoire pour que ce pan d’histoire agricole, souvent méconnu et peu valorisé, ne sombre dans l’oubli.
“Pour les nouvelles et futures générations, cet héritage de mémoire agricole ne peut mieux se transmettre qu’au travers de présentations et démonstrations des outils, puisqu’ils renvoient à des savoirs faire, à des cultures, à des modes de vie, etc.” détaille avec pédagogie Joan Lluís Mas Pastor, président de l’association. Tout comme en archéologie, ces évidences matérielles, qu’elles soient de pierre, en bois, en fer, etc., renseignent sur les types de cultures qu’il pouvait y avoir à l’époque. Comme celles des céréales en plaine qui redeviennent d’actualité, ou bien, plus surprenante, celle de la culture du coton. “Nous disposons de traces écrites datant de 1820 sur cette culture à Perpignan et en particulier à Théza, qui aurait duré une dizaine d’années. Il est fort probable que cette production n’ait pas prospéré car, à cette époque là, les bordures de cyprès qui sont arrivées bien plus tard avec le maraîchage, devaient être quasi inexistantes et la tramontane récoltait bien trop souvent le coton avant les paysans !”
De précieuses sources d’information, que l’association a également enrichies d’enquêtes auprès d’anciens agriculteurs, hommes et femmes qui témoignent en catalan et avec grande précision de leurs méthodologies de mise en culture. “L’idée a été que ce soit suffisamment explicite afin de pouvoir un jour reproduire nous mêmes le geste si cela s’avérait nécessaire” souligne avec intérêt le président de l’association, faisant état de certaines techniques dites perdues. “Parfois elles reviennent aujourd’hui comme étant des choses tout à fait exceptionnelles alors qu’elles étaient déjà en pratique il y a 80 ans !”
Autant de témoignages qui confortent la position des membres de “Terra dels Avis” et de leur comité scientifique pour faciliter la création de ce lieu de partage concernant les connaissances agricoles. “Ces outillages sont également des références historiques de toutes ces révolutions et évolutions constantes en agriculture qui permettent de mieux comprendre la situation dans laquelle elle se trouve aujourd’hui !” évoque avec lucidité et son âme de conservateur Joan Lluís Mas Pastor.
Convaincre les politiques locaux
“Mais cette collection ne doit pas se cantonner à être uniquement un musée sanctuarisé, elle doit aussi venir en appui et être au service de l’économie de l’agriculture actuelle !” Un espace muséal couplé à une vitrine agricole où les visiteurs pourraient également s’attabler pour boire et consommer les productions locales. Sans oublier pour autant que “Cela doit être aussi un lieu référent de réunions et d’échanges pour les acteurs contemporains du monde agricole !” Ce projet, que l’association présente comme déjà bien ficelé sur le papier tant au niveau muséographique, pédagogique et même scientifique, est toujours dans l’attente d’une collaboration engagée d’institutions et d’organismes publics et privés pour poser la première pierre. “Cet édifice pourrait prendre l’envergure de deux autres grandes réalisations en la matière, comme la Cité du Vin à Bordeaux ou, plus récemment, comme celle de la Cité Internationale de la Gastronomie et du vin*** en Bourgogne, inaugurée l’année dernière à Dijon, et qui a pris place dans un ancien hôpital du XVIIIeᵉ siècle entièrement restauré !”
Un retard d’engagements qui fait craindre au président un désintéressement des décideurs départementaux pour hisser à un niveau supérieur la promotion de l’agriculture. “Au terme de plusieurs années de discussions avec certains élus et certaines collectivités, je me demande très sincèrement si l’histoire agricole d’une part, et la promotion de l’agriculture à travers ce projet intéresse réellement les élus ? Ils en parlent, oui c’est une chose, mais dans les faits… Je pense que la mauvaise presse qui affecte l’image de l’agriculture doit certainement aussi les influencer…” À l’image des peintures d’autrefois, où l’agriculture occupait sans aucun malaise une place prépondérante sur les toiles des tableaux de grands maîtres, ce projet de “Terra dels Avis” lui redonnerait de toute évidence le rang qu’elle mérite. À suivre…
Contact : Terra dels Avis – Joan Lluís Mas Pastor – 06 45 09 26 63 – terradelsavis@gmail.com