Salon de l’agriculture : un coup de projecteur pour les paysans et pour… les écologistes ! [par J.-P. Pelras]

Le Salon ! Une évidence pour de nombreux agriculteurs. Avec, au hasard des allées, une caméra qui peut s’éterniser quelques secondes sur un stand viticole, un plateau de charcuterie, une Aubrac aux yeux cernées d’onyx, une dégustation de fromage, le regard d’un enfant tenant un poussin, caressant un agneau. Qu’elle soit commerciale ou bucolique, la portée de l’image n’est jamais négligeable. Les politiques qui se succèdent pendant neuf jours Porte de Versailles en sont bien évidemment conscients. Ils espèrent conforter leur capital sympathie en montrant qu’ils savent écouter les doléances champêtres, en levant le coude à l’occasion, en cassant la croute si nécessaire et, au moins pour la photo, en cajolant quelques croupes entre deux gorgées de Jurançon et une portion de Saint Nectaire.

Et ce, même s’il faut au passage, comme le fit Élisabeth Borne “murmurer” quelques restrictions à venir sur l’emploi des phytosanitaires ou, entre autres tempêtes annoncées, sur l’irrigation, comme évoqué par le ministre de la Transition écologique. Tout semble alors permis et pardonné dans l’euphorie de ces rencontres où l’agriculteur peut trinquer avec le ministre presqu’aussi simplement qu’au bistrot du coin, là où la magie des campagnes réconcilie ruraux et urbains.

Et puis il y a les autres, ceux qui ne sont pas venus pour ça. Ceux qui se sont transportés jusqu’ici pour traquer la faute, dénoncer les pratiques, médiatiser leurs combats. Tel le député journaliste Aymeric Caron qui twitte : “De passage au Salon de l’agriculture, qui est hélas toujours celui de l’agro-industrie. Les animaux exposés avant de partir à la boucherie n’y sont pas heureux. L’agriculture d’avenir doit être végétalisée, sans pesticide et offrir des revenus dignes à chaque agriculteur(trice).” Et le parlementaire d’apporter son soutien à la REV, mouvement qu’il a lui-même créé, aperçu en train de manifester devant ce qu’il nomme “le Salon de l’agriculture intensive”. Un salon en grande partie dédiée à l’élevage qui lui a donc permis, pour ainsi dire à domicile, de promouvoir ses idéaux antispécistes.

Et ainsi de suite, avec Yannick Jadot, député européen, qui déclare sur le plateau de France 5 : “Quand l’agriculture c’est 50 % de notre consommation d’eau, 80 % l’été… Il faut changer notre modèle agricole ! Ce gouvernement et notre modèle agricole depuis tant d’années favorisent une surconsommation d’eau”. Des arguments repris sur les réseaux sociaux par Marine Tondelier, nouvelle patronne des écologistes qui vient amender cette liste non exhaustive d’accusations portées à l’encontre d’une profession pendant la semaine qui lui est dédiée.

Assiste-t-on à un tel déferlement médiatique lors des événements parisiens consacrés à l’automobile, au bâtiment, au tourisme, à l’immobilier ou au chocolat ? Non, car l’agriculteur est devenu le client idéal, celui qui de “Envoyé spécial” sur France 2 à “Sur le front” sur France 5, en passant par “En toute subjectivité” sur France Inter est considéré comme étant l’empoisonneur, le destructeur officiel de toute biodiversité.
Et c’est là, pendant le Salon de l’agriculture, profitant du prisme médiatique consenti à cet événement, que le ban et l’arrière ban de l’écologie se mobilisent et gesticulent pour condamner l’agriculture conventionnelle, du plus petit journal de province aux plus importantes diffusions nationales.

Oui “condamner”, car c’est bien évidemment en la stigmatisant que cette activité finira par lâcher prise pour céder sa place au rouleau compresseur des marchandises importées. Un parasitage tout autant dangereux qu’irresponsable, cautionné par une partie de la galaxie médiatique. Laquelle préfère au savoir paysan la méconnaissance de certains idéalistes dont le degré de compétence agronomique est affligeant.
Tel le coucou, les ambassadeurs de l’écologie, à défaut de vouloir s’exprimer sur le terrain devant les paysans, font leurs nids dans celui des autres. Quand, du soutien apporté à ceux qui détruisent les retenues d’eau aux activistes qui visitent impunément les élevages, en passant par les assemblées et les studios de télévision, ils occupent l’espace politique et médiatique 365 jours par an.
Peut-être tout simplement car, contrairement à l’agriculture, l’écologie n’est pas un métier. Peut-être tout simplement car il est plus compliqué de produire pour nourrir que de militer pour vendre des idées.

Ce texte a été publié sous forme de tribune dans le journal Le Point du 3 mars 2023.

Une réflexion sur “Salon de l’agriculture : un coup de projecteur pour les paysans et pour… les écologistes ! [par J.-P. Pelras]

  • 8 mars 2023 à 21 h 43 min
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    Où va ce pays ? depuis des siècles il s’est construit avec des périodes heureuses et d’autres malheureuses mais il savait rester debout et fier de ce qu’il était. Aujourd’hui il semble que nous marchons sur la tête avec les petites minorités qui imposent leurs idées à la majorité qui elle reste silencieuse !!! Les conséquences seront terribles à commencer par celle-ci lue ce jour sur “La Tribune” :
    Sucre : le géant français Tereos va fermer deux sites en France, 149 emplois menacés
    Merci qui ???

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