Pierre Hylari : “Où sont les projets de développement des écologistes ?” [par Yann Kerveno]
Les Jeunes Agriculteurs sont en assemblée générale ce jeudi 9 mars. Tour d’horizon sans concession d’une actualité difficile.
Le titre de l’assemblée générale, “Eau Secours !” est à double sens, pourquoi ce choix ?
Pierre Hylari : Alors c’est un slogan que nous avons inventé, puis prêté à la mobilisation du 24 janvier et qui depuis est repris dans d’autres départements. Il sert à pointer du doigt le problème majeur du moment, l’eau, mais aussi celui, plus structurel, qui nous menace. Vous savez, les syndicats lancent des alertes depuis plusieurs années, parce qu’on est au bord du trou. Là, si l’on crie au secours, c’est parce que nous avons les jambes dans le trou et plus que nos mains pour nous tenir au bord. Et que si l’on ne nous aide pas, nous allons lâcher et tomber… Mais si le contexte est compliqué, il y a aussi des motifs de garder espoir…
C’est-à-dire ?
Dans l’AG, nous allons reparler du service de remplacement, dont les JA sont proches. Parce que c’est encore une solution méconnue alors qu’elle permet de prendre du recul et du repos quand les choses sont difficiles. Alors oui, ce sont souvent les éleveurs qui y ont recours, même s’ils ne savent pas forcément qu’ils ne sont pas contraints de confier leur exploitation et leur troupeau à un inconnu et qu’ils peuvent aussi proposer leur propre remplaçant. Mais je crois qu’aujourd’hui, toutes les filières et les agriculteurs peuvent tirer bénéfice de ce service, ne serait-ce que pour pouvoir profiter d’un congé paternité. Il a fallu attendre longtemps pour bénéficier de ces droits, alors il faut en user. Mais nous allons aussi lancer une opération d’un nouveau genre…
Qui consiste à ?
Nous avons créé un sac promotionnel qui contient une bouteille de vin et de l’huile d’olive, plus une carte à gratter qui offre des réductions chez tous les jeunes agriculteurs qui participent à l’animation. Ces sacs, il y en a 500, sont vendus à 25 euros à la Chambre d’agriculture et dans les points de vente des JA participants et nous allons en proposer à nos partenaires habituels et leurs comités d’entreprise. Alors oui, le contexte est difficile mais il ne faut pas mettre de côté les choses positives pour autant.
Certes, mais venons-en aux sujets qui fâchent et énervent…
Le contexte est difficile et ce qu’on dénonce depuis 10 ou 15 ans, qu’on nous empêcherait un jour de travailler, est en train d’arriver… Et c’est le fait de personnes qui ne représentent qu’eux-mêmes et veulent imposer leurs idées écolos et extrémistes… Ils se permettent, à l’instar de M. Popy par exemple, de venir prendre quatre photos chez nous, de déclamer qu’ils aiment nos paysages et qu’ils veulent les défendre pour nous. Pour se permettre ensuite de nous dire comment travailler sans rien y connaître et surtout sans reconnaître la prise de risque agricole et économique que nous supportons. Et ce, alors que notre agriculture est une des plus propres du monde et que notre génération est pleinement consciente des défis qui nous font face et des évolutions à mener. Sauf que, et nous le savons bien aux JA puisque nous défendons tous les modèles, bio, HVE3 et conventionnel, qu’on ne peut pas faire bouger les choses d’un claquement de doigts…
En parlant d’évolution, où en est l’installation dans le département des Pyrénées-Orientales ?
On en a compté 36 l’an passé, dont six en viticulture mais seulement une cave coopérative. Je ne vois pas comment les caves vont pouvoir assurer le renouvellement des générations… Il faut aussi souligner en particulier les distorsions qui surviennent sur le marché du foncier avec des terres mises en vente sur leboncoin ou par les agences immobilières à des prix, par exemple dans le secteur d’Estagel, de 10 000 à 15 000 euros l’hectare, qui n’ont rien à voir avec des prix agricoles…
Et l’eau dans tout ça ?
Que dire de plus que ce qui a déjà été dit ? Je dois avouer que si l’on m’avait dit, quand j’ai pris la présidence des JA, que je passerai 80 % de mon temps à parler d’eau, je ne l’aurais pas cru. On avait bon espoir d’avoir été entendu pourtant, avec le Varenne de l’eau, les annonces sur la souveraineté alimentaire, on avait confiance dans ce gouvernement… Mais quand on voit que FNE, au niveau régional, reçoit 100 000 euros d’argent public, on est en droit de douter… Quant à ce que déclare M. Popy, que 80 % de cet argent est destiné à des projets de développement de territoire, je n’ai qu’une question : est-ce que quelqu’un a jamais vu un projet de développement de territoire de FNE ou FRENE66 par ici ? Non, je crois surtout que cet argent sert à financer des procédures contre l’agriculture ou contre la chasse devant la justice pour imposer leur dogme qui ne représente personne.
Et pour cet été ?
On est un mois après la manifestation du 24 janvier, il était convenu que soient organisées en urgence des réunions avec l’État pour trouver une solution mais pour l’instant on n’a rien vu venir, même si la Chambre est en contact étroit avec les services de l’État. Il va falloir y aller très rapidement maintenant, le printemps arrive…