Saison 2023 : premiers bilans, premières pistes (partie 2) [par yann Kerveno]
Qu’avons-nous appris de cette année particulière à plus d’un titre ? Au long de quelques semaines, l’Agri interroge le terrain. Que s’est-il passé dans les vignes, les vergers, les champs ? Et comment envisager l’avenir ? Deuxième étape avec un spécialiste de l’irrigation, François Gontard, BRL.
Cette campagne 2023 aura montré que même l’irrigation peut connaître ses limites, s’il n’y a pas d’eau à injecter dans les réseaux, et quand il y en avait, pour couvrir l’ensemble des besoins agronomiques des arbres. Et qu’il va falloir se pencher sur la façon dont l’irrigation est abordée dans les vergers. La prise de conscience ne date pas de ces deux dernières années. François Gontard la fait remonter à 2006, année marquée par la sécheresse et la chaleur. “À l’échelle de nos réseaux, les volumes d’eau consommés ne cessent d’augmenter, mais ce n’est pas parce qu’on fait n’importe quoi, c’est juste qu’il pleut moins et qu’avec la chaleur, les besoins des plantes sont plus importants. Ce que je trouve très frappant et représentatif, c’est le cas de la vigne. Aujourd’hui, on développe de l’irrigation pour assurer le rendement et en même temps la qualité” explique François Gontard, directeur adjoint de l’aménagement et du territoire à BRL. Si BRL n’exploite pas de réseaux dans les Pyrénées-Orientales, son expertise n’est plus à démontrer. “Avec les réseaux sous pression, l’agriculture s’est donnée les moyens d’être économe grâce aux équipements. Si vous avez du goutte-à-goutte, des programmateurs, des capteurs dans le sol et les conseils d’irrigation…” Mais aujourd’hui, il estime qu’il faudra aller plus loin.
Gains marginaux
“D’abord, il faut économiser l’eau quand elle est dans les réseaux, c’est-à-dire travailler à limiter les fuites, à la parcelle avec les bons matériels et outils, sans mettre en péril la recharge des nappes de surface quand elles y participent. Ensuite, je prends souvent cette image, on ne sait pas conduire correctement sans compteur de vitesse, sous peine de ne pas respecter les limitations ; pour l’irrigation c’est pareil, on peut difficilement être très performant sans compteur, ne serait-ce que pour détecter les fuites, et en sachant précisément ce qu’on a amené comme eau. Aujourd’hui, nous devons empiler tous les outils qui permettent d’aller chercher quelques points d’économie.” Un peu à la manière des sportifs de haut niveau qui s’acharnent pour aller chercher les “gains marginaux” pour être parmi les meilleurs. “Ce qu’il faut viser, c’est un optimum technique et économique. C’est-à-dire amener juste assez d’eau pour tenir les rendements, les calibres et la qualité des fruits qui leur permet de se conserver. Avec les bons outils, on peut gagner 10 % sur une consommation déjà très raisonnée.”
Has been le goutte-à-goutte ?
Ce qui se dessine c’est donc d’aller plus loin partout, de ne pas se contenter de la technique des systèmes d’irrigation mais aussi de prendre en compte l’agronomie. Pour autant, les retours terrain de cet été, dans les vergers par exemple, montrent que l’irrigation en goutte à goutte, aussi efficace soit-elle, a aussi ses limites. “Le goutte-à-goutte est le système le plus économe en eau parce que les apports sont très localisés, mais l’eau ne se diffuse peut-être que dans un quart du volume du sol occupé par l’arbre, il reste donc les trois quarts du système racinaire qui ne connaissent que le sec durant les périodes les plus tendues. Cela peut renforcer l’intérêt de la ferti-irrigation, faire appel à des engrais solubles amenés avec l’eau d’arrosage.”
Pour pallier en particulier à l’absence de solubilisation des éléments nutritifs présents dans l’interrang qui ne peuvent, faute d’eau, être mobilisés par les plantes… “Bon, cela posera problème pour les agriculteurs bio qui ne peuvent avoir recours qu’aux engrais organiques. À moins que l’on regarde vers d’autres systèmes que le goutte-à-goutte. On peut mettre en place des microjets pour arroser sous frondaison, ou de la micro-aspersion sous pression, si c’est bien maîtrisé, cela peut être efficace et répondre en partie à cette problématique…”
(À suivre)