Robots : après tout ? [par Yann Kerveno]

Le salon international de la robotique agricole (FIRA) se tient cette semaine à Toulouse. Que peut-on en attendre ?

Si les robots et autres automates sont une des solutions avancées pour s’affranchir en partie des problèmes de coûts et de main d’œuvre, ils provoquent aussi, dans les exploitations agricoles, une révolution copernicienne qui décale la place de l’homme. Comment sont-ils accueillis dans les fermes ? N’y a-t-il pas de craintes d’une certaine dépossession symbolique des actes ou décisions au profit des machines ?

À Supagro Montpellier, Bruno Tysseire est un spécialiste des questions d’agriculture de précision et de robotisation et il précise d’emblée que les robots ne sont, finalement, pas si nouveaux dans le paysage. “Il y a longtemps que les robots de traite ont fait leur apparition dans les fermes produisant du lait. Pour ce qui est de l’acceptation des agriculteurs, nous disposons aujourd’hui d’enquêtes conduites autour de l’utilisation de ces robots. En gros, ces études distinguent trois types de rapport aux robots et à leur utilisation” détaille-t-il. “Le premier groupe va plébisciter le robot parce qu’il permet de dégager du temps pour des tâches ressenties comme plus intéressantes ou gratifiantes, l’observation du troupeau par exemple… Le deuxième groupe est un peu plus mesuré et regrette que le robot mette en somme de la distance entre l’éleveur et les animaux, mais il sait s’accommoder de cet engin. Enfin, le troisième groupe est très minoritaire mais il existe et est constitué des éleveurs qui ont mis en place un robot puis qui ont fini par faire machine arrière, justement au motif que cela sépare les animaux de l’éleveur.”

Petites fermes

Ce qui n’est pas intuitif non plus, c’est le paradoxe pointé par le chercheur montpelliérain. “En fait, le développement des robots de traite se fait surtout dans les exploitations dites familiales. Dans les systèmes très intensifs des États-Unis ou de l’Europe de l’Est, les robots ne sont pas rentables par rapport à des escouades de salariés qui travaillent en 3 x 8. Chez nous, le choix de l’achat d’un robot de traite est souvent fait dans l’optique d’une réduction de la pénibilité du travail.” Un argument quand il s’agit, en particulier, d’installer de jeunes agriculteurs.

Au delà de la traite, les robots sont aujourd’hui capables de prouesses qu’on avait peine à imaginer ne serait-ce que 10 ans en arrière. Il existe des robots pour tout : ramasser les asperges, les champignons, les fruits, pour tailler les arbres fruitiers, désherber les parcelles… Sans contrainte horaire de travail. “C’est la première fois, depuis la révolution verte, que nous avons une telle opportunité d’avancées” résume encore Bruno Tisseyre avant d’ajouter : “Pour l’instant, ce sont des matériels qui restent très chers, un engin peut valoir le prix de quatre tracteurs, mais il y a peut-être là des choses à inventer, des achats en commun, une gestion à l’échelle d’un territoire par le biais d’îlots de parcelles… Conserver le matériel existant et se servir du levier des robots pour diminuer la pénibilité…”

Faire sans ?

Les consommateurs sont-ils pour leur part enclins à accepter les robots dans les champs ? La technologie ne va-t-elle pas heurter les représentations à l’œuvre ? Une vision un peu idéale de la campagne et des produits agricoles qui ne s’incarne d’ailleurs pas forcément dans les actes d’achats quotidiens, comme de nombreuses études l’ont déja montré ? Il faudra en passer par un travail de pédagogie, apprendre des erreurs du passé, estime le chercheur, pour “éviter de voir surgir un label « garanti sans robot »” sourit-il. “Mais il faut aussi garder à l’esprit qu’on ne pourra probablement pas faire sans, sauf à délocaliser certaines productions…”

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