Chasse : les orientations 2023 [par Thierry Masdéu]

Fervent défenseur de la ruralité, des chasses traditionnelles et de la biodiversité, Jean-Pierre Sanson, président de la Fédération des chasseurs d’Occitanie et des Pyrénées-Orientales, nous livre bilans et axes prioritaires pour cette nouvelle année. Rencontre avec ce passionné de nature, intransigeant sur la sécurité, qui mène, avec l’appui de ses directeurs et techniciens départementaux, la mise en œuvre des réformes de la chasse.

Comment avez-vous accueilli les nouvelles mesures sécuritaires annoncées par Bérangère Couillard, secrétaire d’État auprès du ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, et notamment celle liée sur l’alcoolémie ?

Pour les règles de bases sécuritaires, nous y étions déjà très favorables et nous adhérons totalement à celle du taux d’alcoolémie. Cela devrait nous permettre, une fois pour toutes, de rectifier le tir de cette stigmatisation faite sur les chasseurs et leurs rapports à l’alcool ! Ensuite, en ce qui concerne les formations complémentaires et obligatoires pour les organisateurs de chasse, c’est à dire les présidents d’ACCA, les chefs de battues ou les chefs de lignes, nous saluons cette nouvelle mesure qui devra être effective d’ici 2025. D’ailleurs, à la Fédération, nous l’avions déjà anticipée en amorçant ce type de formation. Par exemple, un président ou chef de battue ne pourra plus déléguer un chef de ligne pour poster les tireurs sans qu’il n’ait eu ce complément de formation. 

Autre sujet lié à ces nouvelles mesures, celui qui concerne la mise en place d’une plateforme numérique qui sécuriserait le partage de l’espace avec les autres usagers de la nature ?

Là aussi, nous y sommes favorables, car on nous accuse depuis de nombreuses années d’occuper 90 % du territoire et, si cet outil voit le jour, on s’apercevra qu’en réalité nous n’en occupons que 5 à 10 % ! Au niveau de la Fédération nationale, des démarches ont déjà été entreprises avec celle de l’Alliance des sports et loisirs de la nature et, à notre niveau, nous avons fait de même avec la Fédération pédestre régionale et celle des P.-O. Mais une cohabitation existe déjà avec ces organismes structurés qui nous transmettent une cartographie lorsqu’ils organisent des manifestations ou des randonnées, ce qui n’est pas le cas avec les électrons libres. Alors, l’objectif de cette application permettrait de pouvoir informer les autres usagers de la nature sur les secteurs où des activités de chasse sont en cours. Je n’y suis pas opposé mais encore faut-il savoir comment sera-t-elle formulée, d’autant que, mises à part les spécificités de chaque département, il y a également plusieurs aspects d’ordre juridique !

Toujours dans le volet sécuritaire, comment se déroulent les mises à niveau pour les anciens détenteurs du permis de chasse ?

Cette obligation, qui est inscrite dans la loi chasse de juillet 2019, nous avons souhaité la décentraliser dans tout le département afin qu’elle soit plus accessible et en privilégiant le présentiel de nos adhérents avec nos techniciens formateurs ! Bilans d’incidents et accidents sont analysés pour éviter qu’ils ne se reproduisent et des consignes sécuritaires sur le maniement des armes sont prodiguées. Aujourd’hui, sur les 6 000 chasseurs des P.-O., 1 000 ont déjà obtenu cette validation qui sera renouvelable tous les 10 ans.

Agriculture, circulation, biodiversité

Comment appréhendez-vous les gestions financières concernant l’indemnisation des dégâts occasionnés aux cultures par le grand gibier ?

Actuellement, une réforme liée à cette indemnisation des dégâts est en cours au niveau national et en totale concertation avec le milieu agricole. Déjà, l’objectif est de pouvoir modifier la loi actuelle où seuls les chasseurs indemnisent les dégâts sur 100 % des territoires alors qu’ils n’en fréquentent que 70 % et ne maîtrisent pas les autres 30 % ! L’année dernière, au niveau national, la facture s’est élevée à 77 millions d’euros et un accord de principe avec l’État serait acté à condition que nous nous engagions à réduire cette facture d’un tiers ! Cette participation de l’État serait, pour la première année, à hauteur de 25 millions d’euros, l’année suivante de 20 millions d’euros et pour la troisième et dernière année, cette aide serait de 15 millions d’euros. Ces trois années qui serviront de réflexion devraient permettre la mise en place d’une nouvelle loi sur l’indemnisation qui n’incomberait pas uniquement aux chasseurs, du moins nous l’espérons !

Pour la Fédération de chasse des P.-O., ces aides participatives de l’État seraient de quel ordre ?

Il n’y a pas d’enveloppe précise, mais pour l’ensemble des Fédérations de chasse, la première année elles seront proportionnelles aux montants des dégâts de chaque territoire. Ensuite, à partir de la deuxième année, elles tiendront compte des efforts réalisés dans chaque Fédération pour réduire la facture et ces aides seront plus importantes si les actions entreprises l’auront été tout autant ! C’est clair, il y a une contrepartie… Comme en agriculture, la cynégétique joue un rôle capital dans l’aménagement des territoires. Avec les agriculteurs, nous menons les mêmes combats : protéger les cultures et préserver l’environnement. D’ailleurs, nous sommes solidaires de leur désaccord concernant cette limitation des prélèvements d’eau dans la Têt. Si demain, par manque d’eau, ils ne peuvent plus irriguer les cultures, des friches vont gagner du terrain et accentuer le gîte pour les sangliers !

Ce problème récurrent des sangliers sur les cultures est aussi en passe de le devenir pour la sécurité publique sur les axes routiers ?

En effet, il faut savoir que, dans le département, la moyenne de 200 collisions annuelles ne fléchit pas et cette semaine nous avons eu une réunion en préfecture pour étudier les tronçons sensibles du département où l’on enregistre le plus de collisions. Sur les zones de plaine, il est très difficile d’organiser des battues et le seul recours que nous ayons pour réguler la prolifération des sangliers, c’est de faire appel aux louvetiers. Des professionnels qui ont d’ailleurs fait un travail remarquable avec un prélèvement, l’année dernière, de 1 200 sangliers, uniquement en zone de plaine ! Ensuite, il existe aussi des méthodes coûteuses que d’autres départements ont expérimentées, comme l’aménagement canalisé de passages sous les routes ou bien, pour les effrayer, un système de cylindres réfléchissants les phares des véhicules à implanter sur les bords de routes.

Willy Schraen en avril à l’AG des P.-O.

Zone humide les Sagnes d’Opoul.

Aménagement de l’espace et préservation de la biodiversité font également partie de vos missions ?

C’est exact, au cours de ce trimestre, nous allons inaugurer un site tout particulier sur la zone de Salses le Château. Il s’agit d’une zone humide, les Sagnes d’Opoul, où nos techniciens ont achevé la remise en service du réseau naturel d’eau douce pour y développer de la biodiversité et recréer des prés salés de façon à ce que les éleveurs puissent utiliser cet espace. Nous avons aussi l’intention de nous impliquer à la réhabilitation de toutes les zones qui ont été brûlées l’été dernier pour accompagner la végétalisation, tout en les préservant d’autres sinistres.

La sécheresse de l’été dernier, qualifiée d’historique, a-t-elle eu un impact sur le petit gibier ?

Caille des blés en Capcir, dans le cadre d’une étude sur son habitat.

Ceux qui en ont le plus souffert sont les canards avec le faible niveau d’eau, nous avons constaté des épisodes de botulisme avec une grosse mortalité chez les adultes. Un été très sec ne favorise pas forcément la pousse de la végétation et la production d’invertébrés. Du coup, on se retrouve avec des nichées où les jeunes ont du mal à s’alimenter et, de manière générale, cela a impacté globalement l’ensemble des espèces.

L’autre priorité pour 2023 concernera la mise en place du schéma départemental de gestion cynégétique dans lequel vont s’intégrer toutes les nouvelles règles. Dont la partie règlementaire qui sera validée par le préfet, opposable à tous les chasseurs et sociétés de chasse. Nouvelles mesures sécuritaires et gestion des espèces qui ne manqueront pas d’être à l’ordre du jour lors de la prochaine assemblée générale qui se tiendra, en avril prochain, à Saint-Estève au Théâtre de l’Étang. Une journée qui devrait  être synonyme de très forte fréquentation à laquelle participera le très attendu président de la Fédération nationale des chasseurs, Willy Schraen.

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