Productions agricoles : l’Europe à la peine [par Yann Kerveno]

Le déclin de l’Europe agricole ne sera pas fulgurant mais il est acté par les projections de la FAO et de l’OCDE rendues publiques dans la touffeur de l’été 2022. Plongée inquiétante dans une mer de chiffres. Et à la fin, c’est la forêt qui gagne.

La prospective est toujours un exercice complexe, mais elle donne tout de même à voir les tendances qui se feront jour dans les années à venir. Le fort document (plus de 300 pages) publié par la FAO et l’OCDE sur l’agriculture mondiale en 2031 est, en la matière, riche d’enseignements. On y apprend ainsi que la production agricole mondiale doit progresser de 1,1 % par an jusqu’en 2031, progression qui sera portée par les pays les moins riches de la planète et par une augmentation de la productivité dans ces pays. Les statisticiens ont calculé que la hausse des rendements assurera 80 % de l’augmentation de production, la conquête de nouvelles terres arables 15 % et l’intensification des cultures existantes les 5 % restants.

Du côté des productions animales, les prévisions sont également à la hausse, + 1,5 % dont plus de la moitié sera assumée par le poulet, espèce qui devrait le plus progresser d’ici 2031. Inévitablement, la progression de l’agriculture aura aussi un impact sur les émissions de gaz à effet de serre du secteur, + 6 % sur la décennie dont 90 % attribuables à l’élevage. Les rédacteurs du rapport notent toutefois que la hausse des émissions n’est pas proportionnelle à celle de la production liée à un recul mondial du troupeau de ruminants et l’accroissement de la productivité aux champs. La Chine, et l’Asie en général, resteront les principaux moteurs du commerce mondial de matières premières agricoles.

En Europe

Sur le continent européen, la production agricole devrait progresser de 8 %, principalement par l’apport de l’Est du continent, puisqu’elle est censée rester stable dans la partie occidentale sauf pour l’élevage qui verra passer sa part de la production de 62 à 60 % sur le continent. Un recul largement compensé par les autres bassins de production européens. Du côté des surfaces mises en œuvre, les prairies devraient reculer, en Europe de l’Ouest, d’un plus de 0,5 %, les surfaces de céréales de 1 % tandis que la forêt gagnera près de 2 %.

Céréales

La production de céréales devrait progresser de 12 % au cours de la décennie. La moitié de cette progression sera assurée par le maïs, le riz et le blé, comptant pour 20 % chacun. Géographiquement parlant, c’est l’Inde qui assurera la moitié de la progression avec l’aide de la Russie, des États-Unis et du Canada pour le blé ; les États-Unis, la Chine et le Brésil faisant de même pour le maïs. Les experts de la FAO prévoient toutefois un ralentissement de la demande liée en grande partie à la baisse des usages des céréales à des fins énergétiques.

Productions animales

La progression envisagée de la production de viande sera donc majoritairement le fait de la volaille, la récupération des tonnages perdus en viande porcine à cause de la peste porcine en Asie devant être effective à la fin de l’année. Mais c’est bien la Chine qui sera aussi à l’origine de la plus grande partie de cette progression avec, dans une moindre mesure, les États-Unis et le Brésil. Les experts de la FAO considèrent que l’Union européenne prendra le chemin de la réduction de production à cause des coûts environnementaux et des coûts de production qui rendront les produits européens bien moins compétitifs sur le marché mondial.
Ils notent également que dans les pays développés les plus riches, la consommation a atteint un tournant qui voit la demande stagner et les consommateurs se tourner vers des productions plus qualitatives et se détourner de la viande rouge au profit d’autres viandes à cause des recommandations diététiques et de santé.

Produits laitiers

Comme pour la viande, ce sont les réglementations environnementales et la bascule vers des systèmes plus herbagers qui vont limiter le développement de la production européenne de lait, jusqu’ici au deuxième rang mondial. Elle progressera moins vite qu’aux États-Unis, quand l’Inde et le Pakistan assureront l’essentiel de la progression mondiale, 1,8 % par an, pour atteindre 1,06 milliards de tonnes en 2031. La progression sera assurée par le développement du troupeau laitier en Afrique sub-saharienne, en Inde et au Pakistan.
Et pour faire correspondre tout ceci avec le plan de la FAO, il vise à éradiquer la faim en 2030 tout en réduisant les émissions de gaz à effet de serre au niveau prévu dans les accords de Paris, il faudrait que la productivité augmente de 28 % au cours des dix ans qui viennent (c’est trois fois la performance de la dernière décennie) dont 24 % pour les cultures et 31 % pour les productions animales… C’est dire si la marche est haute. Et ne sera pas franchie.

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