Pourra-t-on encore se faire soigner demain ? (Par Jean-Marc Majeau)

La question pourrait paraître déplacée. Comment imaginer que la France, ce pays dont le système de santé passait pour être l’un des meilleurs du monde, avec un maillage territorial qui permettrait à chacun de trouver, à proximité de chez lui, un médecin, des infirmières, une pharmacie, de jour comme de nuit, y compris le week-end et durant les vacances. Nous avons vécu avec ce concept, unique au monde, où l’on avait son “médecin de famille”. Celui à qui l’on confiait son corps, ses secrets et, parfois, son âme, et auquel on s’abandonnait pour une seule raison : parce qu’il était toujours là ! Finalement, il faisait presque partie de la famille ! Personne ne s’étonnait du fait que tous les territoires, urbains ou ruraux, possèdent leur établissement de soins, leur clinique, leur hôpital, avec des services médicaux, obstétricaux et chirurgicaux.

Cette situation, la plupart d’entre vous l’ont vécue, sans imaginer qu’elle était déjà devenue une chimère. Au nom du regroupement et de la rentabilité, nous avons commencé à voir disparaître les maternités. La justification irréfutable des fermetures fût celle de la sécurité… Pour avoir été au plus près de cette disparition, en 2000, je peux témoigner du fait que seuls des critères économiques ont prévalu à la fermeture de celle de Prades ! La politique était à la “rationalisation” des soins.

En 2010, les ARS furent créées afin “d’assurer un pilotage unifié de la santé en région, de mieux répondre aux besoins de la population et d’accroître l’efficacité du système”. Cette restructuration répondait aux impératifs d’une loi de 2009, dite loi HPST (Hôpital – Patient – Santé – Territoire), dont le but ultime était de mieux gérer les dépenses. Il a été impossible de discuter et de tempérer les décisions prises dans les bureaux ministériels, impulsées par quelques bureaucrates zélés, persuadés d’avoir, comme toujours, la science infuse. Je vous invite, puisqu’il est de retour, à en parler avec M. Castex : il fût l’un des instigateurs de la technique en question !

Nous n’aurons bientôt plus accès à rien ! La lumière va s’éteindre !

Moins de 15 ans plus tard, les conséquences de cette politique de l’abandon nous percutent de plein fouet. L’unique solution qui a maintenu la viabilité du système fût portée par un exercice, désormais dépassé et battu en brèche : celui du sacerdoce des soignants ! Ce bouclier invisible était incarné par une génération à bout de souffle : celle de ces blouses blanches qui, travaillant jour et nuit, vous ont protégés du pire. En milieu rural, tout le monde connaissait un praticien ou une infirmière que l’on savait contacter en cas de besoin, pour dégoter un conseil, un rendez-vous, un soin, impossibles à obtenir par la voie exigüe définie par les autorités.

En milieu urbain, cette pratique a disparu depuis longtemps, laissant la place aux “plateformes” téléphoniques et aux Urgences 24/24 des hôpitaux ou des cliniques. Il faut se rendre à l’évidence :  l’accès aux soins est devenu catastrophique. Trouver un “médecin traitant”, condition obligatoire pour être remboursé, est un chemin de croix. Obtenir une consultation de dermatologie, d’ophtalmologie, de gynécologie, de cardiologie, de gastro-entérologie, est devenu une gageure. Les médecins qui assuraient cet exercice ont été rattrapés par l’âge de la retraite et n’ont, pour la majorité d’entre eux, pas été remplacés. Ils ne le seront plus !

Les nouveaux praticiens se refusent à assurer les gardes, vivre sur leur lieu d’exercice et abandonner l’attractivité des villes. En cas de problème, la seule solution disponible reste de se rendre dans un “service d’accueil d’urgence”. De ce fait, ces structures, à la mission pourtant clairement définie, finissent par être submergées par des centaines d’entrées, dont la plupart était autrefois prises en charges par la “médecine de ville”. Faute de praticiens, il n’y a d’autre alternative que d’utiliser la pire : s’amasser devant les lieux où la lumière reste encore allumée ! Les infirmières sont submergées. Les médecins aussi. Et les services se vident de leur personnel ! Nous n’aurons bientôt plus accès à rien ! La lumière va s’éteindre ! Peut-être ne l’avez-vous pas vraiment senti arriver ?

Mais aujourd’hui, à l’instar du Titanic dont le commandant n’avait pas changé de cap au bon moment, la collision avec l’iceberg est inévitable ! C’est pour cela que le ministre Veran a abandonné son poste : il sait qu’un scandale va émerger ! Autrefois, je vous aurais incité à avoir le numéro d’un médecin ami dans votre répertoire. Le mien peut être ? Aujourd’hui, le seul conseil que je vous donne est de prier le ciel pour ne jamais tomber malade ! Sinon… J’espère pour vous que vous aurez de la chance ! Comme à la loterie !

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