Poudre électorale [par Jean-Paul Pelras]

Le 7 février 1992, les représentants des 12 États membres de ce que l’on appelait encore la Communauté économique européenne (Allemagne, Belgique, Danemark, Espagne, France, Grèce, Irlande, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Portugal et Royaume-Uni) signent le traité de Maastricht. Le 20 septembre de la même année, les Français sont appelés à se prononcer, au travers d’un référendum, pour ou contre cet accord historique censé jeter les bases de ce qui deviendra l’Union européenne. Autrement dit, instaurer une monnaie unique et, de facto, abandonner la souveraineté monétaire, mais aussi instaurer une force géopolitique autonome et surtout permettre la libre circulation des personnes, des capitaux et des marchandises au sein de l’UE.

Le débat fait rage dans l’espace politique avec, à droite, Pasqua et Seguin qui militent contre cet accord, rejoints par une partie des Socialistes dont Chevènement, les Communistes et les Écologistes. Seguin réclame et obtient le référendum en mai. Chirac, Balladur et Mitterrand, président de la République, vont s’impliquer pour inverser la tendance et faire basculer l’opinion dans le camp du « oui ». Et ça passe de justesse ! Le taux de participation est de presque 70 %, ce qui est assez élevé pour un référendum, avec 51,04 % en faveur de ce que l’on prendra l’habitude d’appeler « Maastricht ».

Pour les paysans des Pyrénées-Orientales l’accord en question n’augure rien de bon. Car, de surcroît, les retours sonnants et trébuchants de la Politique agricole commune, mis à part dans le secteur de l’élevage, ne se feront jamais entendre, les fruits, les légumes, le vin ne pouvant prétendre aux aides directes (premier pilier). Et l’on entend déjà, derrière la ligne transfrontalière, s’impatienter les camionneurs espagnols, pied calé sur l’accélérateur, prêts à envahir le marché européen avec des produits importés bénéficiant de distorsions sociales et fiscales non encore lissées 30 ans après.
Ou comment déshabiller Pierre pour habiller Paul en « oubliant » d’harmoniser les charges avant de lâcher sur nos autoroutes ceux qui, grâce au moins-disant, allaient usurper, en quelques mois seulement, notre espace économique. Rappelons qu’ils furent aidés en cela par les Fonds de cohésion européens pour financer, entre autres, les infrastructures de transport.
Il ne fallait pas être grand clerc pour redouter la déferlante à venir et, de facto, l’effondrement de nos productions maraîchères, arboricoles et viticoles situées sur le pourtour du bassin méditerranéen français.

Pour tenter d’enrayer, sans trop d’illusions bien entendu, cette fatalité, certains agriculteurs ont alors imaginé la « perturbation » du vote. Il y eut quelques soirées dans les mas où furent testées des expériences à la fois chimiques et pyrotechniques. Ou comment trouver la bonne formule d’une poudre de perlimpinpin à retardement. Laquelle, glissée dans l’enveloppe par l’électeur champêtre désigné au sein de chaque village, pourrait prendre feu quelques secondes seulement après que le quidam ait quitté le bureau de vote. Ce qui donna lieu à de nombreux essais plus ou moins concluants, le dosage devant demeurer discret et ne pas commencer à chauffer, donc à montrer des signes de cuisson, entre l’isoloir et l’urne…
De mémoire, seuls 3 ou 4 bureaux de vote ont enregistré une « anomalie » dans des enveloppes qui furent invalidées. La formule, probablement insuffisamment préparée, ayant fait pschitt et les protagonistes s’étant, nous pouvons le comprendre, démobilisés au dernier moment car relativement faciles à repérer.
La suite, nous avons malheureusement pu la vérifier partout où la friche a, sans plus tarder, remplacé l’agriculture de ce côté-ci des Pyrénées.

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