Plan de relance : “1 % pour ceux qui nourrissent la France” (Par Jean-Paul Pelras)

Pour mesurer l’impact que peut avoir le plan de relance sur l’agriculture, il faut se mettre à la place du vigneron roussillonnais qui ne vendangera pas cette année car le mildiou a ravagé toute sa production, à la place de l’éleveur de porcs qui n’en finit plus d’engager des prêts courts termes pour rembourser du long terme, à la place de ces agriculteurs qui ont du brader leurs broutards au printemps et subir les effets d’une sécheresse dévastatrice en plein cœur de l’été.

Florilège d’exemples qui reflètent le quotidien d’un monde paysan confronté aux lois du marché, aux compétitions déloyales, aux caprices des éléments et à la multiplication des contraintes administratives ou environnementales. Oui, il faut, l’espace d’une annonce largement médiatisée, s’asseoir dans le tracteur de ces agriculteurs ou se mettre à réfléchir devant leurs comptabilités quand, le soir venu, il faut aligner les chiffres sous la lampe jaune qui éclaire la toile cirée. Car, finalement, une fois ôté l’emballage, le cadeau n’a plus grand intérêt. 1,2 milliards desquels il faut retirer 200 millions octroyés à la forêt, et voilà que l’agriculture française doit se débrouiller avec 1 milliard soit 1 % de l’enveloppe nationale pour se “relancer”.

Mais de quoi parle-t-on exactement ? Si ce n’est d’une somme qui pourrait être répartie entre 440 000 agriculteurs. Ce qui représenterait 2 272 euros pour chacun d’entre eux, sachant que le taux d’endettement moyen en agriculture est compris, selon les statistiques, entre 160 000 et 200 000 euros. Sachant également que ce coup de pouce est conditionné, pour 545 millions d’euros, à la mise en place de pratiques agroécologiques. Ce qui sous entend un changement de modèle obéissant aux injonctions politiques du moment. Donc des investissements qui, même s’ils doivent être en partie soutenus par ce plan, obligeront nos agriculteurs à passer par la banque pour les financer. Résultat des courses nos paysans vont encore s’endetter.

Pour illustrer cette occurrence, souvenons nous de ces maraîchers que l’on a incité, également pour des raisons d’autosuffisance alimentaire, à investir lourdement dans des serres et dans des structures chauffées à l’aune des années 80 et 90, moyennant des subventions avoisinant 40 % du prix des structures. Une “aubaine” balayée quelques années plus tard par l’arrivée de l’Espagne dans la CEE qui vint impacter la production française par le jeu impitoyable des distorsions sociales.

Seule une forme de protectionnisme peut endiguer la déprise agricole et rurale
Nous y venons, car ce n’est pas en saupoudrant un secteur d’activité avec des aides concernant une adaptation aux pratiques souhaitées par la société que l’on va sauver les filières agricoles. C’est en leur garantissant par un engagement politique fort une défense contre les compétitions internationales, toutes productions confondues. C’est en se penchant sur la question d’une harmonisation sociale européenne espérée depuis un demi siècle, avec son cortège de désillusions et des salaires qui vont du simple au double selon que l’on situe de part et d’autre du Rhin ou des Pyrénées. Voilà ce que les paysans Français attendent pour juguler cette érosion qui menace effectivement la “souveraineté alimentaire”, tant évoquée pendant le confinement et pour laquelle un “plan protéine”, la belle affaire, de 100 millions d’euros vient d’être décidé… Autrement dit, osons le terme, seule une forme de protectionnisme contre les accords de libre échange en cours ou à venir peut endiguer la déprise agricole et rurale.

Car à quoi va servir une aide à la conversion en agriculture biologique si, demain, pour des raisons bien évidemment géopolitiques, l’on augmente les contingents d’importations de tomates marocaines ou de viande argentine ? Productions qui pourront également être estampillées “Bio” suivant des critères qui relèvent parfois de la prestidigitation… Avec, de surcroît et en aval, un pouvoir d’achat que ce plan de relance n’aura pas forcement soutenu. Car plus qu’une aide à la rénovation énergétique de leurs habitations, c’est de signes économiques forts dont les Français ont besoin pour consommer et rembourser l’emprunt de la maison.

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