PGE : aide aux entreprises ou miroir aux alouettes ? [par Thierry Masdéu]
Les entreprises durement affectées par la crise sanitaire de la Covid-19 ont pu avoir recours à des mesures d’aides dont l’accès à des crédits, comme le prêt garanti par l’État (PGE) qui peut être souscrit jusqu’au 30 juin 2021. Décryptage pour un “coup de pouce” à géométrie variable…
Suivant la taille des structures, la garantie d’État s’élève de 70 % à 90 % du montant du prêt. Dans son communiqué de presse du 5 novembre dernier, la Banque de France signifiait fièrement qu’avec leurs montants accordés (plus de 120 milliards €) les PGE ont rencontré un plus large succès en France que dans d’autres pays d’Europe. Spécifiant que la priorité a été donnée aux PME et TPE, qui représentent 94 % des dossiers et plus de 75 % des montants prêtés.
Il convient de rappeler que ce moyen bancaire, qui n’est pas gratuit, doit pallier à la baisse ou arrêt de l’activité afin de faire face financièrement aux échéances récurrentes des entreprises. Sous conditions, son montant peut représenter jusqu’à 3 mois de chiffre d’affaires de l’année 2019, ou s’élever jusqu’à 2 ans de masse salariale*. Si certains entrepreneurs y ont fait appel et l’ont utilisé, d’autres ne l’ont toujours pas consommé ou refusent catégoriquement d’y souscrire. Prudence qui soulève un réel malaise de fond et d’éthique sur la vraie finalité de cette mesure. À savoir si cet ingénieux mécanisme financier a pour but essentiel de subvenir à la survie des entreprises en difficultés ou s’il vise à maintenir, via ces dernières et en les endettant, le fonctionnement de l’État, minimisant ainsi son quota d’endettement.
Continuité du principe des vases communicants, mais qui en temps de crise économico-sanitaire se traduit en cette période des premiers paiements de reports de charges, par un vent de contestation qui gronde et s’amplifie de jour en jour chez les commerçants et artisans. Lesquels auraient préféré tout simplement une annulation de charges…
Des PGE pour payer des charges
“Il est bon de rappeler que beaucoup d’artisans se sacrifient énormément pour leurs entreprises et travaillent non plus pour vivre, mais pour survivre ! Lors du premier confinement, avec l’arrêt de tous les chantiers et malgré les mesures d’aides de l’activité partielle, on se rend vite compte que l’urgence en trésorerie sera essentiellement affectée aux paiements des dettes fiscales et sociales de l’entreprise !” Témoigne Nicolas Nava, gérant de “Atoutelec”, entreprise d’électricité à Saleilles. “Par chance, juste au début de cette crise sanitaire, j’ai pu percevoir le montant d’une retenue de garantie de 5 % d’un chantier que nous avions fait il y a plus d’un an et qui a été très salutaire pour ma trésorerie ! Mais quand j’ai pris conscience que je pouvais souscrire un PGE pour faire face aux paiements de mes charges, qui de fait sont pour subvenir aux besoins de l’État, je me suis dis c’est fou, à quoi bon emprunter de l’argent et m’endetter, si ce n’est pas pour développer ma structure !”
Si les chefs d’entreprises se questionnent sur les stratégies et l’avenir de leurs marchés, les banquiers ne sont pas en reste et s’interrogent sur l’opportunité de cette mesure du PGE qui a ouvert le champ du crédit à des structures dont habituellement les profils ne sont pas éligibles. Car l’atout de ce prêt garanti par l’État est de pouvoir le rembourser dans sa totalité au bout des 12 premiers mois de sa souscription, pour bénéficier de son taux exceptionnellement bas (de 0,25 % à 0,50 %). Au-delà, plus la durée de son remboursement sera longue, plus son coût sera important. Mais au vu de la situation économique qui se profile, combien d’établissements pourront reconstituer à temps leurs trésoreries et rembourser à échéance d’un an ? Si l’appui du PGE, cumulé aux autres mesures d’aides permettra à certaines entreprises de passer le cap des confinements, il n’est pas sorcier de prédire un effet boomerang, dévastateur pour d’autres…
Contact : Atoutelec – Nicolas Nava – 06 07 40 45 09 – 04 68 88 54 61 – secretariat@atoutelec.fr
* https://www.service-public.fr/professionnels-entreprises/vosdroits/F35201