Bois : une envolée des prix sans précédent ! [par Thierry Masdéu]

Comme les métaux, le carton ou le plastique, le bois, matière noble reconnue comme une valeur financière sûre et stable, n’a pas échappé à son quota de pénuries et hausses tarifaires.

Estampillée crise sanitaire, l’envolée des prix de ces derniers mois, attisée par une forte demande des marchés asiatiques et états-uniens en bois brut, a poussé traders, industriels et stockistes aux spéculations. Chênes, sapins, hêtres, pins, frênes, peupliers, bois exotiques, etc. aux origines France, Allemagne, Autriche, Russie, pays scandinaves, Afrique ou Indonésie, toutes les essences et provenances sont concernées. Une situation qui devient complexe à maîtriser tant sur la gestion de l’approvisionnement des stocks que sur les argumentations commerciales à tenir auprès de la clientèle. “M’entendre dire au client qu’il doit faire preuve de beaucoup plus de patience pour qu’il soit livré de ses meubles, portes ou fenêtres, là, la pilule commence à être difficile à avaler !” constate amèrement Robert Massuet, artisan menuisier à Thuir et président de l’UPA66.

100 % d’augmentation

D’autant qu’il doit aussi faire face, comme l’ensemble de ses confrères, à la vertigineuse ascension des prix. “Avant la crise sanitaire, les bois en provenance des pays scandinaves, nous les achetions à 400 € le m3. Aujourd’hui, pour le même bois, le coût est passé à 800 € le m3, soit 100 % d’augmentation ! Même sur les bois de pays, comme le chêne, entre la fin 2020 et ce jour, on accuse une hausse de 25 % !” 
Bien que les prix du marché semblent s’être stabilisés, sauf sur les bois de pays toujours en augmentation, le manque de visibilité sur les délais d’approvisionnements handicape sérieusement les entrepreneurs. “Sur les chantiers de constructions nous intervenons presque au début et ensuite sur la fin, en même temps que le peintre” soulignent avec inquiétude Robert, le menuisier ébéniste et son épouse Nathalie, aux commandes de la comptabilité. “Avec les autres corps de métiers, nous sommes tous tributaires les uns des autres dans l’avancement des travaux et le moindre manquement de produit implique toute une réaction en chaîne. Ce qui peut entrainer, si l’ouvrage n’est pas terminé à temps, des pénalités de retards !”

Une situation conflictuelle qui pose questions. Doit-on anticiper des futures commandes en faisant l’acquisition de matières premières aux prix forts actuels, avec aussi le risque de générer de nouvelles pénuries chez les fournisseurs ? Faut-il plutôt attendre en espérant un retour des prix d’avant crise sanitaire ? Sera-t-il possible de pouvoir augmenter la surface du volume de stockage dans l’entreprise ? Sans oublier un poste essentiel, la trésorerie pourra-t-elle couvrir ces anticipations de dépenses ?

Inflation inconcevable

Un imbroglio que maîtrise déjà depuis quelques années Benoît Will, contraint par la force des choses aux refus récurrents de livraisons de ses fournisseurs. Basé en Cerdagne, à Font-Romeu, ce chef d’entreprise spécialisé dans la confection de charpentes, construction et rénovation de maisons individuelles et chalets, lutte continuellement pour faire prospérer son entreprise. “Entre la tempête Gloria, les fermetures à répétition de la RN 116, la crise sanitaire de la Covid-19 et maintenant l’augmentation des prix sur le bois, maintenir une activité économique en Cerdagne est un combat permanent !” fulmine avec force cet entrepreneur, tout en dénonçant une incohérence sur l’augmentation des prix du bois d’origine France. “Selon mes sources, sachant qu’au niveau de la tarification ONF l’augmentation due à la crise sanitaire est de l’ordre de 15 € à 20 € maximum au m3, l’inflation constatée, provoquée par les industriels est inconcevable ! Par exemple, le prix du lamellé-collé en sapin que j’achetais il y a quelques mois à 470 € le m3 est aujourd’hui à 1 200 € le m3, et le douglas, toujours en lamellé-collé, dont la pénurie est plus importante, se situait dans une fourchette de 550 € à 670 € le m3 et actuellement son prix fluctue entre 1 600 € et 1 800 € le m3 !”

Concept d’indépendance

Anticiper les commandes, c’est le choix irrémédiable auquel à recours cet artisan qui s’est donné la capacité financière et l’espace nécessaire de stocker en permanence une moyenne de 400 m3 sur les 1 000 m3 écoulés à l’année. “Je suis en train de revivre ce que m’a enseigné mon père il y a plus de 20 ans. C’est à dire qu’en Cerdagne, il faut s’auto-suffire pour pallier à tous les aléas économiques ou climatiques ! Aussi, notre politique d’acheter en quantité suffisante du bois brut et de le transformer en atelier avec nos machines numériques pour charpentes et menuiseries est l’unique solution pour maîtriser les coûts et influencer les délais !” Un concept d’indépendance qui, dans les prochaines années, pourrait amener certaines entreprises artisanales à devenir de petits industriels locaux.

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