Vins : le marché des bulles fera-t-il pschitt ? [par Yann Kerveno]

Le nouveau confinement vient mettre à l’arrêt la commercialisation des vins pétillants, stars des fêtes de famille et de la fin de l’année.

La perspective d’un confinement qui durerait jusqu’aux portes des fêtes de fin d’année est un coup dur pour les ventes de vins. C’est en effet au cours de cette période que près d’un tiers des ventes de l’année est réalisé. Si tous les vins sont concernés, les pétillants sont particulièrement exposés en raison de leur nature et des instants de consommation auxquels ils sont destinés : les moments festifs toute l’année et naturellement, les rassemblements familiaux de la fin de l’année. Et le coup d’arrêt pourrait être cruel pour un secteur qui a connu un fort développement ces dernières années, dans le sillage du Prosecco italien et de son formidable succès, en particulier au Royaume-Uni. À Limoux pourtant, si la crise de la Covid ralentit les échanges, les pétillants, blanquette en tête, parviennent encore à tirer leur épingle du jeu. “Comme tout le monde, ce second confinement ralentit l’activité, mais contrairement à la première phase, tout n’est pas fermé” témoigne Marlène Tisseire qui fait état de flux d’exportations et d’initiatives pour développer la vente directe.

Export et lancement

“Nos principaux marchés d’exportation continuent de commander, c’est le cas pour le premier d’entre eux, les États-Unis, mais aussi l’Australie et l’Europe du Nord. Les ventes en grande distribution aident aussi à maintenir les sorties car elles pèsent pour les deux tiers environ des ventes de bulles de l’appellation”. Et pour la fin d’année ? La directrice du syndicat d’appellation se garde bien de faire un pronostic : “On n’a aucune visibilité”.
Chez Lafage, dans les Pyrénées-Orientales, le confinement est venu entraver le lancement des premières références de pétillant au catalogue. “Nous avions programmé le lancement pour la Saint-Valentin, donc juste avant le premier épisode. Mais nous sommes parvenus à tout commercialiser” explique Diane Caillard, responsable du marketing. Fort de ces résultats, l’entreprise a prévu une mise en bouteille avec le millésime 2020 programmée à la mi-décembre. Et c’est un peu un casse-tête pour déterminer les volumes nécessaires… “C’est d’autant plus difficile que c’est une logistique particulière que ces mises en bouteilles, nous ne sommes pas forcément encore habitués à ce process et nous n’avons pas la même souplesse qu’avec les vins tranquilles.”

Crise en Champagne…

Quatre références, deux rosés et deux blancs, seront proposées à la vente sous les marques Lafage et Saint-Roch, en dépit du contexte. “En plus de la bonne réception de ces nouveaux produits au printemps, nous avons suscité de l’intérêt chez deux clients au Japon.” Et de toute façon, indépendamment de la Covid, ce sont des produits porteurs sur le marché. “Les consommateurs commencent à comprendre qu’on peut avoir de bonnes choses à des prix plus abordables que le champagne par exemple.” Dans certains vignobles très spécialisés, comme celui du champagne justement, les ventes de fin d’année peuvent représenter jusqu’à 50 % du chiffre d’affaires annuel dans certaines entreprises et les compteurs sont dans le rouge. En année glissante, de septembre 2019 à septembre 2020, les expéditions de champagne ont reculé de 13,4 % (258 millions de cols) et le chiffre d’affaires de 13,7 % à 4,4 milliards d’euros indique la FDSEA de la Marne.

… Et dans le Cava

Chez nos voisins catalans la situation n’est guère meilleure. On a vu cette année des producteurs de Cava ne pas acheter de raisins et le secteur craint le pire pour ces dernières semaines de l’année. Avant la deuxième vague, l’industrie du vin catalane avait déjà enregistré un recul de 25 % de son chiffre d’affaires quand le Cava s’en sort un peu mieux avec un recul de seulement 10 % selon le conseil de régulation de l’appellation pour les neuf premiers mois de l’année. Quand il se projette dans les prochaines semaines, Javier Pagès, président de l’appellation Cava, fait grise mine face au deuxième confinement, la fermeture des restaurants et des bars… Il estime au total de 15 à 35 % les pertes de chiffre d’affaires sur l’année 2020… En Italie, le Prosecco, roi du marché anglais, prend à la fois le confinement européen et les incertitudes liées au Brexit dans la figure et ne conserve quasi que la distribution italienne pour écouler ses vins. À l’heure où son petit dernier, le Prosecco rosé, vient de recevoir l’agrément pour être exporté dans le monde entier.

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