Peut-on éviter le pire qui se prépare pour demain ? [par J.-M. Majeau]
C’était le matin, à l’heure où les plus grands étaient à l’école, alors que les plus jeunes étaient présents dans cette aire de jeu d’Annecy, accompagnés par leurs parents. Brutalement, un jeune homme a surgi, se ruant sur des proies, innocentes et sans défense. Il les a poignardées, dans une précipitation anarchique et désordonnée, frappant sans retenue ceux qui se trouvaient à sa portée. Le bilan aurait pu être pire. Il n’y aura, par bonheur, aucun mort à déplorer. Que dire de ce fait divers ? Évidemment, on va relayer les messages de soutien, du président, des ministres, des dirigeants politiques.
“La nation sous le choc” ; “Une attaque d’une lâcheté absolue” ; “Un acte odieux qui touche des enfants”. Chacun s’est précipité devant les caméras pour dire son affliction, pour saisir l’occasion, presque inespérée, de dire son ressentiment à l’endroit des réfugiés, dénonçant la clémence des pouvoirs, le laxisme de la police, l’immigration galopante ensauvageant notre pays. Tout le monde a cédé à cette surenchère émotionnelle sur laquelle surfent les médias de l’information continuelle. C’est effectivement le plus facile. Comme l’opportunité de mettre en lumière Henri, cet autre jeune homme qui choisit de s’interposer quand d’autres, (moi-même, peut-être, si j’avais été sur les lieux), ne pensaient qu’à s’écarter de la lame mortifère ? Comment ne pas adouber le président et Madame, larmoyants en remerciant les “héros” de la tragédie. Ceux qui, évidemment, font la fierté de la France, surtout lorsqu’ils se revendiquent catholiques fervents et amoureux des cathédrales nationales.
Sans présent et sans avenir
Dans ce concert de louanges et de compassions, je vais, pourtant, apporter un petit bémol. Bien entendu, sans banaliser l’acte, effectivement odieux. Et sans minimiser le traumatisme psychologique indélébile vécu par les accompagnants et les enfants eux-mêmes. Aucunement ! Par contre, je regrette cette analyse infantilisante et simpliste qui nous est infligée exclusivement sur les éléments évidents : le statut, la nationalité, la croyance religieuse de l’agresseur et le potentiel motif terroriste, tout ce qui arrange ceux qui proposent déjà les solutions infaillibles censées éviter un drame ultérieur. Évidemment !
Pour ma part, je voudrais prendre un peu de recul. Si ces migrants choisissent de venir en Europe, les frontières n’y pourront rien. La mer non plus. Tout simplement parce qu’ils préfèrent prendre le risque de se noyer que de mourir sous le joug de tyrans sanguinaires. Ces fuyards, aspirés par des démocraties qui les aveuglent de leurs libertés et de leurs solidarités présumées, ont une histoire, d’immenses traumatismes et des souvenirs d’atrocités inimaginables infligées quotidiennement par des systèmes totalitaires immuablement soutenus par les puissances occidentales complices. Ces migrants ne sont pas attendus, pas accueillis, pas soutenus, lâchement et systématiquement ignorés au nom du commerce international. Ils continueront à débarquer, quoi que nous fassions. Parce que ceux qui fuient la peste n’ont aucune appréhension du choléra ! Quitte à vivre comme des rats ! Quoiqu’on en dise, les solutions coercitives ne seront jamais dissuasives. Le seul moyen plausible consisterait en une politique d’intégration. Avec un peu de chance, nous allons apprendre que l’agresseur est un schizophrène, victime d’une bouffée délirante aigüe, qu’il ne recevait aucune aide d’État, qu’il vivait dans la rue, sans présent et sans avenir.
Des personnes comme lui, dont la prolifération n’a de moteur que le soutien que nos gouvernants accordent à leurs tortionnaires, vont, immanquablement, se retrouver dans le même dénuement social et psychologique que celui-ci. Or, un animal abandonné devient un fauve obsédé par sa survie. L’oublier serait faire offense à tous ceux qui sont parvenus à survivre aux pires dictatures de l’histoire, ou à ces enfants qui ont survécu 40 jours dans la jungle amazonienne après un accident d’avion ! L’important serait, d’emblée, d’anticiper leurs séquelles. Parce que, si un jour ils font un carnage, cela n’étonnera aucun psychiatre !