Parce que rien n’est jamais simple #32 [par Yann Kerveno]
Le blé flambe
Alors ça flambe. La semaine passée, le blé a dépassé 300 dollars sur certaines échéances et si c’est possiblement une bonne nouvelle pour les producteurs, pour la bonne marche du monde, ce n’est pas si simple. Pourquoi ? Parce que comme pour l’énergie, c’est la Russie qui profite des déboires des uns ou des autres et acquiert une position prédominante sur le marché mondial. Avec les risques géostratégiques souvent pointés du doigt, souvenons-nous que la cherté des céréales est le détonateur qui fit exploser le printemps arabe il y a une dizaine d’années.
Souvenons-nous aussi que si le blé flambe, toutes les autres céréales suivent et que les pays d’Afrique, très dépendants des importations, sont les premiers à payer les pots cassés. Gardons aussi un œil attentif sur la situation et notre porte-monnaie puisque la baguette ne cessera d’augmenter à cause du changement climatique.
En même temps chère et pas chère
Et pourtant, la baguette n’a jamais été aussi bon marché, comme le rappelle Bruno Parmentier qui souligne qu’il fallait 10 minutes de travail pour acquérir une baguette en 1970 et que 5,2 minutes seulement sont nécessaires à présent. Calcul dans l’absolu et pour l’exemple précise-t-il, puisque le contexte de nos budgets n’est plus le même et que les dépenses contraintes y sont plus importantes qu’alors. Cette flambée des prix des matières premières, qui entraîne les autres dans son sillage, va aussi renchérir tous les produits à base de protéines végétales. Une occasion rêvée pour la viande de synthèse de tirer son épingle du jeu ? Bien malin qui pourrait le dire, mais du côté réglementaire, ça avance…
Poisson de synthèse
Aux États-Unis, ce sont les produits de la mer de synthèse qui pourraient être les premiers à bénéficier d’une autorisation. En Asie, Singapour a franchi le Rubicon, Israël pourrait suivre… Mais qu’on ne s’y trompe pas. BRF, un des plus importants opérateurs de la viande de porc au monde a signé un partenariat avec Aleph Farm pour produire et commercialiser de la viande de synthèse au Brésil et JBS, autre géant brésilien et numéro un mondial de la viande, vient d’annoncer un investissement de 100 M $ dans le secteur. Investissement comprenant le rachat de la start-up espagnole Biotech Foods et la construction d’une usine pour 41 M $ ainsi qu‘un centre de R&D au Brésil. Et comme les choses sont compliquées, des voix s’élèvent pour rappeler que les appels occidentaux à la fin de l’élevage mettent en danger la santé des plus pauvres ailleurs dans le monde…
Plaidoyer pour la petite laine
Il est probablement l’heure d’ailleurs, comme nous y invite Claire Aubron dans La Vie des Idées, de repenser notre rapport à l’élevage. En réinsérant l’élevage plus avant dans le cycle de l’agriculture et en renouant avec les produits animaux non-alimentaires… Sachez enfin qu’on n’est pas tout à fait sortis de l’auberge. Les chercheurs ont en effet détecté au moins neuf mutations sur le virus de la peste porcine africaine en Chine, pays où l’épidémie a conduit à la destruction de 200 millions de porcs. Et qu’un nouveau cas a été récemment détecté dans un élevage de l’Est de l’Allemagne. Les digues tiennent, mais pour combien de temps ?