Parce que rien n’est jamais simple #31 [par Yann Kerveno]
Criigen en perte de fonds
On est parfois rattrapé par de vieilles histoires et ce n’est jamais agréable. Dans un long papier publié sur son blog, la Faucille et le labo, hébergé par nos confrères de Mediapart, Yann Kindo met en lumière, par l’étude des documents disponibles en ligne, la mécanique de la chute du Criigen. Cet acronyme ne vous dit rien ? Souvenez-vous, les études contre les OGM de Gilles-Éric Seralini, dont on a montré depuis qu’elles sont une arnaque de grande ampleur. Enseignant en histoire, membre de l’Association française pour l’information scientifique, Yann Kindo a épluché les comptes rendus des réunions du Criigen pour comprendre pourquoi les défections se multipliaient (Seralini d’abord, puis l’avocate Corinne Lepage). On y comprend que l’association, décrédibilisée par les remous autour de Seralini, a manqué le coche de sa reconversion de anti-OGM vers anti-pesticides et lutte pour trouver des fonds, pour se trouver finalement dépassée par une autre association, tiens donc, Générations Futures, qui a récupéré une partie des fonds (Biocoop et la sphère des industriels de la bio en général visiblement) autrefois alloués au Criigen. On y découvre aussi comment la stratégie de l’intimidation est invoquée pour faire taire les détracteurs des uns ou des autres.
Se plaindre de la science sans s’y soumettre
Puisqu’on parle de Générations Futures, l’association en partenariat non-déclaré avec le journal Le Monde, a publié cette semaine un dossier tentant de décrédibiliser les instances européennes dans l’opinion sur fond de dossier glyphosate. L’association estime que l’Agence de sécurité sanitaire européenne (EFSA) a exclu 99 % de la littérature scientifique pour mener à bien sa réévaluation de l’autorisation du glyphosate. Au prétexte que ces études seraient non pertinentes ou non fiables… “Une expertise peut-elle être scientifique si la science n’y a pas sa place ?” se demande le quotidien du soir sur la base du document publié par Générations Futures. Ce qui vaut ce commentaire définitif d’un chercheur de l’Inrae, aujourd’hui retraité, Patrick Vincourt dans un tweet saignant : “Et après tout, si @genefutures estime que 99 % des travaux scientifiques ont été snobés, qu’il publie son analyse dans une revue soumise à l’expertise de pairs scientifiques, au lieu de faire faire la promotion de son point de vue par les journalistes militants et les politiques.”
Il pleuvait des milliards
Mais revenons à nos moutons végétaux. Sachez que Impossible Foods, licorne de la fausse viande à base de plantes, projette de lever 500 M $ sur les marchés financiers et que l’hypothèse d’une entrée en bourse reste d’actualité avec une valorisation estimée à 10 milliards de dollars, 8,9 milliards d’euros. En guise de comparaison, notez que le numéro un mondial de la viande, le groupe brésilien JBS est aujourd’hui valorisé à un peu plus de 13 milliards d’euros. En Espagne, le gouvernement a tranché et mettra 345 millions d’euros de financements pour la modernisation de l’agriculture du pays (contre plus de 800 M € en France). Pendant ce temps-là, les producteurs de porcs anglais, confrontés à la pénurie de main-d’œuvre dans les abattoirs, sont contraints d’exporter les cochons vivants en Irlande ou aux Pays-Bas pour les abattre. Vous avez dit “bien-être animal” ?