Parce que rien n’est jamais simple 2022 – #11 [par Yann Kerveno]

De Charybde en Scylla

Bon, la guerre c’est un peu comme le covid, un sujet qui va malheureusement nous occuper un bon moment. Parce que c’est aux portes de l’Europe et que les conséquences pour l’ensemble de l’économie mondiale sont nombreuses. Et qu’elles peuvent déboucher sur de nouveaux désordres. Vous connaissez l’expression de Charybde en Scylla ? Nous n’en sommes pas encore là, mais le décor est planté et l’on commence à faire les comptes. Nos voisins espagnols sont peut-être, hors énergie, le pays européen le plus exposé aux conséquences du conflit. Parce qu’ils importent beaucoup de tournesols et de maïs d’Ukraine, parce qu’ils exportent aussi, Anecoop annonce avoir déjà perdu 18 M €, et que certaines entreprises agroalimentaires y sont implantées, comme le groupe Fuertes partenaire du géant de la volaille en Russie, Cherkizovo.

Sécurité alimentaire

La crise, le cours des céréales en particulier, offre un terreau de choix à tous les mouvements qui réclament un changement de paradigme agricole. Et c’est comme d’habitude lobbies contre lobbies (parce que les choses ne sont jamais simples). En gros, ce qui est en jeu aujourd’hui, c’est Farm to Fork et le verdissement de la prochaine PAC qui pourrait être sacrifié sur l’autel de la sécurité alimentaire. Le sujet est d’importance et il mériterait d’être étudié scientifiquement plutôt qu’à coups de dogmes pour éviter de se retrouver dans la même situation que celle de l’Europe vis-à-vis du gaz russe, entre autres. Je dis ça je ne dis rien.

Changement de régime

Il y a toutefois un argument nouveau dans l’arsenal des contempteurs de l’agriculture moderne : si nous n’avons pas assez de blé, supprimons l’élevage qui consomme trop de céréales et le tour est joué. Quitte à imposer à l’ensemble de la population un changement de régime brutal dont elle ne veut pas forcément, comme le montre une étude récente. Étude qui souligne la réticence des consommateurs européens à “intégrer” que leurs changements d’habitudes puissent avoir un impact sur l’atténuation du changement climatique.

De l’huile sur le feu

Il va en tout cas falloir s’habituer aux réactions en chaîne en marge de la guerre. Soyez attentifs. L’Ukraine est le principal producteur mondial d’huile de tournesol et des menaces planent sur les semis de la campagne 2022. En conséquence, les industriels se tournent vers l’huile de palme dont les cours flambent en raison de la demande. Au point que l’Indonésie vient de contingenter ses exportations d’huile de palme pour éviter de se trouver complètement dépouillée… Conséquences, le prix de l’huile de colza explose à près de 900 euros la tonne. Blé à 380, maïs à 340, colza au pinacle, soja à 1 700 dollars le bushel (+ 460 dollars en un an), il est probable que les cultures alternatives destinées aux protéines (pois chiches, lentilles) s’avèrent moins attrayantes dans les semaines à venir. Il faut ajouter le prix des intrants, la disponibilité de semences… Avec peut-être à la clé une modification importante de la composition des emblavements dans le monde pour la campagne 2022-2023 ? Réponse en septembre.

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