Pacte vert européen : vers une “décroissance” agricole ? (Par Jean-Paul Pelras)
Les propositions résolument verdoyantes de la Commission européenne pourraient impacter la productivité et la compétitivité de notre agriculture. Analyse.
“En raison de l’impact économique de la Covid-19, le nombre de personnes confrontées à l’insécurité alimentaire aiguë (niveau 3 ou plus) devrait passer à 265 millions en 2020, soit une augmentation de 130 millions par rapport à 2019.” C’est ce que nous dit un communiqué de l’ONU publié le 21 avril dernier. Quelques semaines plus tard, les environnementalistes obtiennent un écho favorable à leurs revendications avec la Commission européenne qui propose, dans le cadre du “pacte vert”, de réduire de 50 % l’utilisation des pesticides d’ici 2030. Une instance qui préconise également une baisse de 20 % de l’utilisation des fertilisants ainsi qu’une diminution de 50 % concernant la vente d’antimicrobiens pour les animaux d’élevage. La même commission entend, dans sa lancée, hisser de 8 à 25 % la proportion de terres certifiées bio en Europe, transformer au moins 30 % des terres et mers en aires protégées et “relooker” au moins 10 % des terres agricoles en paysages à haute diversité biologique.
Où sont les chiffres qui nous expliquent à quoi pourrait ressembler ce scénario, avec des plantes qui crèvent parce que tout ce qui pouvait les soigner a été interdit ?
Un “pacte vert” qui soulève quelques interrogations. Comment, en effet, garantir l’autosuffisance alimentaire louée par la quasi totalité des dirigeants à l’heure de la Covid, en diminuant les intrants indispensables au développement et à la protection des cultures ? De surcroît, dans un contexte où, avec ce pacte, la Commission européenne s’éloigne des objectifs économiques devant fournir aux agriculteurs, notamment en atténuant les effets de la concurrence internationale, les moyens de gagner en compétitivité. Comment garantir une production suffisante si l’on se met à convertir le potentiel agronomique des sols en promenades de santé pour écologistes en mal de verdure ? Ceux qui soutiennent ce modèle de “décroissance agricole” seront-ils capables d’assumer leur part de responsabilité le jour où nous serons tributaires de productions importées parce que prédateurs et maladies seront venus ravager l’agriculture biologique, la permaculture et ces alternatives aux productions conventionnelles que certains tendent à idéaliser ? Où sont les simulations ? Où sont les chiffres qui nous expliquent à quoi pourrait ressembler ce scénario ? Avec des gens qui meurent de faim, avec des plantes qui crèvent parce que tout ce qui pouvait les soigner a été interdit ! Avec des agriculteurs qui en ont assez des dogmes imposés depuis Bruxelles ou Paris par ceux qui veulent tenir le manche sans savoir se servir de l’outil.
Jean-Paul Pelras