Norman Borlaug : l’homme de la révolution verte

Cet été, L’Agri vous emmène à la rencontre de personnages hors du commun. Aujourd’hui, Norman Borlaug, l’homme de la révolution verte.

Dire qu’il a marqué l’histoire du XXe siècle est peu dire. D’ailleurs, la fondation Nobel pour la paix lui a décerné son prestigieux prix, pour son apport à l’humanité. Norman Borlaug est né en 1914 à Cresco, dans une petite bourgade de l’Iowa, cet État du centre des États-Unis où le maïs pousse à perte de vue. Pas étonnant que le maïs soit un des fils conducteurs de sa vie de chercheur et de promoteur de la modernité. Étudiant, il finit par décrocher un doctorat en pathologie végétale à l’université de l’État voisin, le Minnesota. De là, il file vers le Mexique où il travaille au Centre international d’amélioration du maïs et du blé sur les projets de développement de variétés à haut rendement. Il développera ainsi plusieurs variétés entrées dans l’histoire de l’agronomie, dont Lerma Rojo 64 et Sonora 64, issues de croisement entre des variétés indigènes mexicaines et le Norin 10, variété semi-naine à gros épis, elle-même mise au point au Japon avant la guerre par Gonjiro Inazuka.

Mécanisation, irrigation, fertilisation

L’introduction de ces deux variétés hautement productives va permettre assez rapidement au Mexique de couvrir ses propres besoins, le blé viendra ainsi talonner la première céréale du pays : le maïs. Son apport ne se limite d’ailleurs pas à la révolution verte, il a aussi été l’instigateur de la coordination de la lutte mondiale contre la rouille (Global Rust Initiative), une maladie du blé qui entame les récoltes. Le succès de l’agriculture mexicaine n’est pourtant pas dû qu’aux seules propriétés des variétés mises au point par Norman Borlaug et ses collaborateurs. C’est la combinaison des performances génétiques avec d’autres développements, financés depuis des années par la fondation Rockfeller, dont le but est d’étendre l’agriculture “à grande échelle”, telle qu’elle est mise en place en particulier aux États-Unis. Entre 1947 et 1981, le nombre de tracteurs est multiplié par six, la consommation de fertilisants de synthèse étant multipliée, elle, par 350 entre 1940 et 1978… Avec trois piliers : la mécanisation, l’irrigation, la fertilisation… Le Mexique est alors le laboratoire de ce qui allait devenir la révolution verte sur le fondement de ce qui été ensuite appelé “l’hypothèse de Borlaug” stipulant que l’accroissement de la productivité agricole à l’hectare permet de réduire les surfaces mises en culture.

Revers de médaille

La révolution verte s’est donc ensuite déployée en Asie, et en particulier en Inde, sous l’impulsion de la fondation Ford. Mais, comme au Mexique, elle n’a pas tout résolu, le pays étant redevenu, après avoir été un temps autonome “alimentairement”, importateur de produits alimentaires parce que les cultures destinées à l’alimentation humaine avaient été, en partie, substituées par des cultures destinées à l’alimentation animale ou à l’exportation, surtout vers les États-Unis… Déployée aux Philippines, au Vietnam, en Indonésie, elle a produit les mêmes effets délétères que ceux constatés au Mexique, mais aussi chez nous. Concentration de la production, impact très sensible sur l’environnement, destructions de milieux naturels développement des cultures de rente en lieu et place de cultures vivrières. Si elle a amélioré le quotidien alimentaire d’une partie de la population et supprimé les famines dans des zones de la planète très exposées jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, elle a échoué à éradiquer la malnutrition et n’a pas forcément tenu ses promesses partout ni dans le temps. Dans une publication de 1996, la FAO reconnaissait à demi-mot que l’évaluation de l’impact de la révolution verte ne pouvait s’évaluer qu’à la lecture des progrès des rendements…

Héritage contrasté

Dans son discours de réception du prix Nobel, Normal Borlaug rappelait que ses travaux avaient un seul but, celui de combattre, sinon vaincre, la faim dans le monde. Mais il soulignait et regrettait aussi d’être confronté à une grande limite : la fécondité des humains. Il reconnaissait ainsi que si de grands progrès avaient été faits en matière de production agricole, mais aussi en matière de contrôle de la natalité, ce deuxième levier n’était pas suffisamment actionné et que la course à la productivité agricole était vouée à courir sans cesse derrière l’augmentation des populations, éloignant d’autant la perspective d’une éradication de la faim dans le monde. L’héritage de Borlaug est ainsi aujourd’hui une pièce à deux faces. Son hypothèse et ses travaux ont permis d’assumer l’accroissement de la population humaine mais au prix d’un impact fort sur l’environnement. Il incarne finalement, bien malgré lui, tout comme il ne réclamait pas le titre de “Père de la révolution verte”, l’âme du XXe siècle. Celui de la technique et de la foi dans le progrès au service de l’humanité. Et quoi qu’on en pense, son apport reste majeur dans l’histoire, même s’il est aujourd’hui remis en cause et dépassé. Depuis, les idées ont fait leur chemin. On parle de “Green revolution 2.0”, une révolution doublement verte qui allierait intensité des productions agricoles et respect de l’environnement. Bref, l’agriculture écologiquement intensive défendue par le chercheur français Michel Griffon depuis plus de deux décennies !

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