Lino : un air de tendresse dans les biscotos
Le trouvère étant retourné du bon côté, nous mangions l’autre soir, avec Lino, un minestrone avec un ballon. Le soir faut faire léger ! Nos souvenirs avaient convoqué cet acteur mythique, “fort en gueule”, aussi carré que charismatique.
Commençons par l’homme, immigré italien, qui arrive à Paris à l’âge de 8 ans avec sa mère. Son père s’étant évaporé, sa mère dût travailler pour survivre. Il quitta l’école et commença à bosser dès l’âge de 9 ans. Il exerça successivement différents métiers : portier, livreur, mécanicien, représentant de commerce et employé de bureau. Il pratiquera avec les copains de la cité, la lutte, le catch. Et c’est grâce à l’humilité et à la fraternité rencontrées dans ce sport particulier qu’il dit avoir obtenu “une mentalité de gagnant” !
La guerre éclate et il attendra son retour en France pour débuter une carrière de catcheur qui se terminera en 1950. Puis, en 53, par un heureux hasard, le réalisateur de “Touchez pas au grisbi” l’engage pour jouer une force de la nature de type italien face à un autre grand acteur, Jean Gabin. Sa carrière va s’envoler. Mais cette “forte tête” n’en demeure pas moins l’exemple d’un homme qui s’est fait tout seul et qui a su donner et partager tant avec les amis, dont il dira “La perspective de manger avec mes copains, c’est pour moi une fête”, qu’avec la famille.
Il aura 4 enfants, dont l’un sera handicapé de naissance. Découvrant le manque de structures d’aide et d’accueil pour les enfants handicapés, Lino et sa femme créeront, en 1966, l’association caritative Perce-Neige, dédiée à “l’aide à l’enfance inadaptée”. En sensibilisant les pouvoirs publics aux besoins de ces enfants et de leurs familles, il réussira, en 1976, à faire reconnaître l’association Perce-Neige d’utilité publique. Six ans plus tard, la première Maison Perce-Neige ouvre ses portes. Malgré sa disparition, cette association poursuit sa mission.
Acteur de société…
Quelle belle image de force, d’engagement et de volonté !
Sauf qu’aujourd’hui en sortant, on voit ça :
Confinement décrété, files d’attente aux supermarchés avant le jour J, caddies remplis de PQ, de pâtes, de farine, etc., de peur de manquer, de ne pas en avoir assez ! Qu’importe si le voisin n’en a pas ! Dépistage Covid-19, files d’attente sur quatre lignes au drive, seul dans sa voiture, les yeux rivés sur le smartphone, le contact allumé pour avancer de quelques centimètres ou pour feinter le voisin afin de passer plus vite…
Comment ont fait nos grands-parents, nos parents ? Qu’est devenue la solidarité, le souci de l’autre qui leur a permis de se retrousser les manches et redonner vie à notre pays dans l’après-guerre ! Mais où est passée cette volonté, ce désir d’être ensemble, de combattre ensemble ?
Ne doit-on pas utiliser, pour éclairer ces loquedus, une des répliques de ses films telles que : “Les cons, çà ose tout, c’est même à ça qu’on les reconnaît”. “Mais moi les dingues, j’les soigne, j’m’en vais lui faire une ordonnance, et une sévère… Aux quatre coins d’Paris qu’on va l’retrouver, éparpillé par petits bouts façon puzzle. Moi, quand on m’en fait trop j’correctionne plus, j’dynamite, j’disperse, et j’ventile.” “Ecoute, on t’connaît pas, mais laisse nous t’dire que tu t’prépares des nuits blanches… des migraines… Des « nervous breakdown », comme on dit de nos jours” etc. Quelle est la solution à tout ce gâchis ? Pas du côté politique, mais du côté de l’Humain !
Lino est toujours parvenu à préserver sa vie privée, son nom n’est jamais prononcé dans la presse “à scandale”, pas d’enterrement en grande pompe sur les Champs… Et c’est en cela qu’aujourd’hui, nous pouvons rendre un bel hommage à des hommes, certes acteurs, mais dans le bon sens du terme, acteurs professionnels mais aussi acteurs de société, faisant bouger les lignes par leur charisme, leur honnêteté… Merci Lino !