Lettre à un “Marcheur” à propos d’une tombola [par Jean-Paul Pelras]

Madame, monsieur,
dimanche matin, en consultant la presse, j’ai immédiatement regardé la date inscrite en bas à droite du “computer” pour savoir si je ne retardais pas de quelques jours. Et bien non, effectivement nous étions le 27 mars et non le premier avril, jour du poisson et des calambours.

Voici donc ce que racontaient mes confrères. Un mail, révélé par le Huffington Post, vous aurait été adressé en tant que militant de La République en marche intitulé “Vous les attendiez ? Voici les lots !”. Le but avoué étant de remplir la salle du Défense Arena, 30 000 places, la plus grande d’Europe, il fallait bien ça. Et ce, à l’occasion du meeting d’Emmanuel Macron prévu le 2 avril prochain. Seul petit problème, il faut essayer d’occuper toutes les places puisque le temps de la distanciation et des interdictions est désormais révolu, au moins jusqu’au lendemain des élections.
“Collé serré” le plus possible, tel est le message qui vous est adressé et vous encourage à convier vos voisins, vos amis, le pépé, la mémé, le cousin, la cousine, le tonton, la tantine et autres apparentés. En échange, si vous faites partie des 400 personnes ayant invité un maximum de connaissances, un lot vous sera attribué. Les cinq premiers gagneront “un moment privilégié et unique après le meeting”. Nous pouvons ainsi supputer qu’ils auront l’insigne privilège de pouvoir échanger pendant quelques secondes avec Jupiter en personne. Les dix suivants, à peine un peu moins chanceux, pourront participer au tournage de la série intitulée “Le candidat”. Le mail ne précisant pas qui de Mac Fly, de Carlito, de Mimi Marchand ou de Benalla seront là. Quant au président candidat, à moins qu’il n’envoie son hologramme, “il” devrait bien être présent !

Si vous n’avez pas tiré les bons numéros, votre parti vous propose des lots de consolation. Vingt d’entre vous pourront bénéficier d’un “temps d’échange avec un ministre”. Ou comment la République rétribue ses élus pour faire de la politique politicienne et se prêter aux kermesses lutéciennes. Au menu des échantillons dont vous devrez vous contenter si vous arrivez en queue de peloton, vous pourrez prétendre à un bon d’achat de 30 euros qui vous permettra d’acheter la babiole présidentielle estampillée 2022 à la boutique de campagne. Ou encore un “portrait dédicacé par le candidat” et “une visite du QG avec un apéritif convivial en présence de personnalités”.

Que je vous dise, cher militant prêt à sauter sur l’occasion pour remporter le gros lot ou, à défaut, quelques petites compensations, nous savons, dans les Pyrénées et sur l’Aubrac, où je gîte alternativement, organiser ce type d’évènement. Il s’agit de lotos, de quines ou de “rifles”. Ils ont lieu traditionnellement dans nos petits villages, des derniers jours de l’automne aux premiers du printemps. Sont mis en jeu des filets garnis, des volailles, des tripacks de vin, de la charcuterie et un “lot atomique” où le grand vainqueur de la soirée peu repartir avec un demi agneau ou un cochon de lait. L’art de vivre, dans nos campagnes, privilégiant le substantiel de l’estomac au non essentiel du candidat.

Ma belle-mère, Henriette, âgée de 90 ans ne manquerait pour rien au monde ces rassemblements dont elle fut privée pendant deux ans. Sachez-le, à ce titre, elle ne soutiendra pas votre président. Nonobstant cette redoutable défection dont vous vous remettrez certainement, permettez cette petite suggestion, ce modeste commentaire : plutôt que d’offrir le portrait de celui qui n’aime pas les gaulois réfractaires, offrez du pouvoir d’achat, quelques bons d’essence, un peu d’espoir et, si vous savez encore ce que cela signifie, un soupçon d’humanité, d’humilité, un peu moins de mépris. Vous pourrez alors espérer remplir vos banquettes et rentrer quelques sous dans la caissette.

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