Lettre à Alice Coffin (qui veut éliminer les hommes de nos esprits) [par Jean-Paul Pelras]

Madame,
du fin fond de ces Pyrénées où je gîte, je consulte l’information du moment avec, je dois l’avouer, une circonspection de plus en plus prégnante. En effet après celui qui veut supprimer les sapins de Noël, celui qui ne veut plus entendre parler du Tour de France et, entre autres agitateurs agités, ceux qui veulent nous imposer le régime végan, voilà que vous nous proposez, non sans passion et véhémence, d’éliminer les hommes.
Vaste programme qui concernerait à la louche environ 4 milliards d’individus et verrait le dernier de nos semblables disparaître à l’aune des années 2130, probablement bouffé par une horde de bêtes sauvages. À moins que la “castration”, dont vous semblez défendre la thèse, soit également étendue au règne animal. Dans ce cas précis, c’est aux petites algues bleues du début que nous retournerions in petto pour que votre implacable justice soit enfin rendue. Dans votre dernier livre (pourvu qu’il le soit) vous dites ne plus regarder les films tournés par des hommes, ne plus écouter leur musique. Tout comme votre propos se borne à énumérer la plupart des domaines où, selon vous, monsieur est majoritairement représenté.
Vous dites même, permettez cette délicate citation : “Les productions des hommes sont le prolongement d’un système de domination”. En assumant la promotion de votre misandrie dans l’entre soi de ces relais d’opinions qui sont à Lutèce ce que l’aligot est sur l’Aubrac, autrement dit une purée qui file tant qu’elle est chaude (la saveur et la convivialité en moins), vous entretenez le lacis d’une certaine radicalité. Vous êtes à l’affut du moindre mal dont seraient capables ceux qui sont malheureusement équipés d’attributs différents des vôtres.

Dans cette arche sans zizis…
Une différence que vous condamnez à longueur d’ouvrage et que vous encouragez dans le même temps en tenant des propos qui pourraient vous valoir, à l’instar de ceux engagés ces temps-ci contre un polémiste, quelques procès pour “provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’un groupe de personnes en raison de leur origine”. L’origine étant, pour cette occurrence, bien évidemment biologique, le groupe de personne ne représentant ni plus, ni moins que la moitié de l’humanité.
Ceci étant dit, permettez-moi, Madame, de vous signifier mon chagrin à l’idée que nous ne pourrons bientôt plus écouter Brel implorer Mathilde, Brassens célébrer Fernande ou Sardou regretter ses Marie-Jeanne. Pour nous consoler, dans un ultime élan de compassion, vous autoriserez peut-être la diffusion des “Z’hommes” de Tachan ou, bien que subversif, le “Calmos” de Blier, quand Marielle, avant d’être poursuivi jusque dans son repère champêtre par une armée de femmes en furie, demande à l’une d’entre-elles ce qu’elle “va foutre rue Gustave Flaubert” en plein Paris.
Victime de votre vengeance “inclusive” nous en serions réduits à subir une sélection culturelle et sociale adossée, tant qu’à faire, puisque vous frayez paraît-il parmi les écologistes, à une panoplie de mesures cœrcitives et punitives relevant davantage de la frustration que de la raison.
Nous voilà donc bien embarqués dans cette arche sans zizis, peuplée de veuves et de rescapés émasculés, condamnés à dériver sur un océan d’ennui vers le vide de l’oubli.
Sur ces mots, permettez-moi, Madame, de prendre congés en espérant ne jamais avoir à vous croiser. Je vais d’ailleurs de ce pas oublier ce livre que vous venez de publier et que la révérence m’interdit de citer ici.
Jean-Paul Pelras

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