Lettre à James Oscar MacKinsey [par Jean-Paul Pelras]

Monsieur,
nous ne nous connaissons pas et nous ne nous croiserons jamais, du moins ici-bas, puisque, né dans le Missouri en 1889, vous êtes passé de l’autre côté du chronomètre en 1937, du côté de Chicago. Comptable de formation, vous êtes le créateur du cabinet éponyme qui emploie 30 000 personnes, compte plus de 130 bureaux répartis dans 65 pays et, désolé de venir perturber votre éternel repos, qui ne paie pas toujours ses impôts.

Pour étayer mon propos et vous renseigner sur les motivations de cette modeste correspondance, évoquons les activités de votre firme en France. Selon Consultor, média indépendant du conseil en stratégie, 5 paiements de décembre 2020 à mai 2021 pour un total de 9,56 millions d’euros auraient été acquittés par le ministère de la Santé à MacKinsey pour l’accompagnement fourni dans le cadre du déploiement de la vaccination covid-19 (sur la base des documents obtenus par l’association Anticor). C’est dire si votre entreprise est considérée par nos dirigeants. C’est dire la confiance que nous témoignons à une société dont le siège social est établi aux États Unis. Et ce, alors que celui ayant passé commande entend se représenter à la présidence en louant la résilience et les capacités de notre pays.

Au passage et pour vous tenir informé des tarifs pratiqués par votre entreprise, sachez, comme je m’en étais ému auprès de la ministre Amélie de Montchalin dans une précédente missive, que votre cabinet a facturé un rapport de 120 pages sur “Le professeur du XXIe siècle” 496 000 euros aux citoyens français. Soit 4 666 euros le feuillet…
Nonobstant ces petits émoluments occasionnels, abordons à présent, la partie immergée de l’affaire, celle qui concerne la fiscalité. Car même s’ils ne sont pas réputés pour être des foudres de guerre, figurez-vous que nos sénateurs ont découvert, dans le cadre d’une commission diligentée par leur assemblée, une anomalie, un problème, un petit souci. McKinsey n’aurait versé aucun impôt sur les sociétés entre 2011 et 2020, malgré un chiffre d’affaires hexagonal de 329 millions d’euros, dont 17 millions d’euros d’argent public.

Pour avoir officié dans la comptabilité et donné des conférences dans les universités, vous mesurez certainement la portée de cette petite “optimisation fiscale”. Mais, voyez-vous, au-delà de ce que nous pouvons d’ores et déjà considérer comme étant un scandale, ce qui me désole le plus, en tant que contribuable, c’est le rôle joué par votre société dans une crise venue impacter nos libertés. L’histoire ne dis pas si vos conseillers ont inspiré sa célèbre phrase à celui qui voulait emmerder une partie des Français. Elle dit en revanche que le cabinet MacKinsey, dont l’un des directeurs associés n’est autre que Victor Fabius, fils de l’ancien Premier ministre, actuel président du Conseil constitutionnel, a été mandaté pour cadrer et coordonner la campagne de vaccination.

Comme si nous n’avions pas, en France, avec 2 800 milliards d’euros de déficit public, suffisamment de compétences pour gérer cette question dans nos administrations. Vous l’aurez compris, cher Monsieur, ce n’est ni à vous, ni à votre mémoire que cette bafouille est destinée. Mais à ceux qui nous gouvernent et qui, campagne électorale oblige, voudraient nous faire oublier ces affaires dont ils se seraient peut-être bien passés.

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