L’USAP et les tomates marocaines [par Jean-Paul Pelras]

Février 1993, stade Aimé Giral, les joueurs de l’USAP effectuent un tour de terrain en brandissant une banderole “Libérez Pelras”. Spontanément, le monde du rugby se mobilise pour dénoncer cette incarcération consécutive à une manifestation qui visait à dénoncer les importations fruitières et légumières en provenance d’Espagne et du Maghreb. Presque 30 ans plus tard, quand j’y repense, j’en ai encore la chair de poule et les larmes aux yeux.

Depuis, l’agriculteur, conjoncture oblige, est devenu journaliste et le département des P.-O. est passé en arboriculture, de 12 500 hectares à 4 500 et en maraichage, de 8 000 hectares à 1 500… La faute, bien sûr, aux importations déloyales qui ont laminé ces deux secteurs d’activité. Plus personne ne peut ignorer ce désastre, ni l’extension des friches et la fermeture de nombreuses structures agricoles qui en ont découlé. Y compris le Premier ministre, Jean Castex, pourtant censé être au courant des vicissitudes champêtres locales qui, jour après jour, précipitent la paupérisation et la déprise de nos territoires. Ce qui ne l’a pas empêché de venir inaugurer en grande pompe, à l’automne dernier, le “train des primeurs” qui est en fait, avec 400 000 tonnes transportées, celui de l’importation. (Voir tribune Le Point du 21/10/2021 et L’Agri du 26/10/2021)

Regrettable partenariat…

Trente ans se sont donc écoulés entre ce tour de terrain et ce drôle de tour que le même club sportif est en train de jouer à l’agriculture Nord catalane. L’USAP vient en effet de sceller un partenariat avec le groupe Azura, importateur de tomates marocaines (voir article ci-dessous). Les barquettes baptisées “La mêlée” affichent une photo des joueurs, le logo de l’USAP “partenaire majeur” et celui d’Azura. Une promotion qui est perçue comme une provocation par les producteurs de tomates français, quand on sait qu’un ouvrier marocain est payé 250 euros par mois et moins de 10 euros par jour au Sahara occidental.

Le genre de partenariat que l’on ne risque pas de voir en terre bretonne, qui serait inimaginable en Auvergne avec de la viande argentine, à Bayonne avec du jambon de Parme, ou tout simplement dans l’Aude avec des vins de la Rioja. Mais, dans les Pyrénées-Orientales, tout est possible. Y compris au sein d’un club dont les fondamentaux remontent au temps du rugby des villages et ou la mêlée, justement, allait puiser ses forces dans le pack paysan plus que dans les appâts de l’argent.
À l’heure où notre agriculture doit être soutenue par l’ensemble des acteurs économiques afin qu’elle puisse répondre au challenge de l’autosuffisance alimentaire, le soutien de l’USAP a une société d’importation marocaine est plus que jamais malvenu. Dans un contexte où, de surcroît, le monde agricole fait face à une crise inédite imputable à l’augmentation des matières premières qui pourrait impacter durablement sa compétitivité. Alors, plutôt que de voir se pérenniser ce regrettable partenariat, imaginons le rugby catalan arborer sans tarder ce slogan : “Sempre en davant avec nos paysans”.

Un coup à s’étrangler [par Yann Kerveno]

On dira que Bruno Vila a ri jaune en découvrant dans les colonnes d’un de nos confrères Perpignanais un article saluant le cobranding entre l’USAP et la marque de tomates Azura. Pourquoi ? Parce le président de la FDSEA ne comprend pas pourquoi le club de rugby de Perpignan participe à la promotion de barquettes de tomates qui viennent du… Maroc !

“Il y en a partout en France, je reçois des coups de fil de partout pour me prévenir” explique-t-il. “Qu’Azura soit un partenaire important de l’USAP, soit, je le comprends, mais de là embarquer l’USAP sur les barquettes, c’est assez indélicat” s’étrangle-t-il. Et ce d’autant que, selon lui, tout est fait pour induire le consommateur en erreur. La provenance, Maroc, étant inscrite en minuscule quand l’adresse du siège de la société, basée à Perpignan, comporte le mot France en capitale. Ce qui le rend plus lisible.

Une réflexion sur “L’USAP et les tomates marocaines [par Jean-Paul Pelras]

  • 30 mars 2022 à 14 h 29 min
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    Je lis dans le texte: « le soutien de l’USAP à une société d’importation marocaine est plus que jamais malvenue »
    C’est là qu’il faut être plus précis, car la réalité est plutôt : le soutien d’une société d’importation marocaine à l’USAP est plus que jamais, non pas malvenue, mais bienvenue pour les finances de l’USAP !

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