Lettre à Guillaume Canet [par Jean-Paul Pelras]

Guillaume,
en septembre 2019, je publiais un édito intitulé “Il y a quelque chose de suspect dans le discours de Guillaume Canet”. Vous m’avez alors téléphoné et, en toute franchise, nous avons échangé de façon très constructive sur les difficultés actuelles du monde agricole. Récemment, Édouard Bergeon, réalisateur de “Au nom de la terre” a déclaré sur Europe 1 : “On tourne, sûrement l’année prochaine, un prochain film avec Guillaume Canet sur le monde agricole, en adaptant l’histoire de Paul François, cet agriculteur qui a vaincu Monsanto suite à une intoxication dûe à un désherbant qui est aujourd’hui interdit”.

À l’heure où le monde agricole est stigmatisé de toute part, faut-il encore une fois remettre sur le tapis médiatique la question des produits phytosanitaires ? Une question, bien entendu, qui interpelle et suscite le débat, y compris et surtout en dehors de la sphère agricole où beaucoup, quand ils ne se mettent pas à insulter ou à tabasser le paysan, se bouchent ostensiblement le nez dès qu’ils voient un pulvérisateur traverser un champ.
L’autre question, beaucoup moins exploitable j’en conviens, est de savoir pourquoi les agriculteurs utilisent des produits phytosanitaires. La réponse est pourtant simple, puisque la plupart du temps ils ne disposent d’aucune alternative économiquement et techniquement envisageable susceptible de lutter, à titre préventif ou curatif, contre les maladies, les ravageurs ou les plantes invasives. Et ce, même si certaines pratiques tendent à démontrer le contraire dans des proportions qui ne permettent de garantir ni le maintien du potentiel agricole, ni la compétitivité du secteur au plan international.

Car la compétitivité, souvent décriée par ceux qui pensent que l’on peut encore revenir au temps de la traction animale, ne doit surtout pas être négligée. Tout comme la notion de qualité ne doit pas être opposée à celle de quantité. Les enjeux alimentaires sont trop importants pour que l’on se permette de risquer les récoltes et susciter l’usurpation de nos marchés traditionnels en devenant dépendants de pays beaucoup moins vertueux que le nôtre. Il ne suffit pas d’idéaliser pour récolter, il faut aussi savoir maîtriser l’usage et le prix de l’outil.
L’histoire de cet agriculteur que vous vous apprêtez à évoquer à, certes, de quoi attirer de nombreux spectateurs dans les salles, car elle attise la peur. Cette peur qui se vend aussi bien que le rêve. Ce rêve dont notre société, plus que d’un énième opus anxiogène, a désormais tant besoin.

À ce titre, Guillaume, à l’instar de Becker avec “Les enfants du marais”, de Giono avec “Regain” ou de Pagnol avec “La fille du puisatier” ne serait-il pas préférable de nous faire rêver, comme vous nous l’avez tant de fois prouvé au cours de votre carrière. Nous faire rêver pour réconcilier le monde agricole avec la société, en montrant ceux qui, dans nos campagnes, passent, quoi qu’en disent certains écologistes, plus de temps à nous nourrir qu’à nous empoisonner.

C’est sur ce chemin, celui des bonnes choses et des bons moments, que vous devez désormais vous transporter si vous voulez vraiment rendre service à nos paysans. J’espère pouvoir compter sur vous, comme vous pouvez compter sur mon modeste soutien au cas où vous décideriez d’évoquer un jour l’incomparable odeur des foins coupés et le bon côté du champ.

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