Lettre à Didier, “beauf” périurbain [par Jean-Paul Pelras]

Cher ami,
lors de son Université d’été rebaptisée “Campus”, le Parti dit “socialiste” a donc organisé une table ronde où, faute de chevaliers suffisamment qualifiés pour élever le débat, les participants durent se contenter de cette question : “La France périurbaine est-elle la France des beaufs ?” Petite erreur d’aiguillage que le secrétaire général du parti, ayant totalisé 1,75 % des suffrages lors des dernières élections présidentielles, essaya de rattraper. “Cette France périurbaine, c’est une France qui a de l’avenir et envie de bosser. Elle a envie qu’on arrête de l’emmerder en lui donnant des leçons depuis des plateaux de télévision parisiens. Je suis bien content qu’on parle de cette table ronde même si j’entends qu’on aurait pu tourner la phrase différemment” a donc rajouté Pierre Jouvet sur le plateau des “Grandes Gueules”. Pirouette peu crédible, à l’instar de celle effectuée quelques jours plus tôt par les écologistes lors de leurs “Journées d’été” où ils tentèrent, malgré une vague de désaffection quasi-historique, de réhabiliter le rappeur Médine (également invité aux universités d’été de la France Insoumise), auteur de propos antisémites à l’encontre de l’essayiste Rachel Khan.

L’histoire ne dit pas cher ami, si tu apprécies ledit troubadour aux prises de positions controversées, mais elle nous apprend, grâce au débat suscité par les héritiers de Mitterrand, que tu es un “beauf” puisque tu gîtes à Clapiers, charmante bourgade située en apostille de Montpellier. Te connaissant depuis plus de trois décennies, je ne te trouve évidemment aucune ressemblance avec “Le beauf à la Cabu, imbécile et facho” chanté par Renaud, toi l’infirmier qui passa sa vie à soigner, dans les quartiers sensibles, ceux que la gauche bobo tente de récupérer.
Les intellos tenants de la “grande classe” seraient-ils en train de migrer dangereusement vers le mépris de classe. Ou bien ont-ils égaré cette boussole qui leur permettait de retrouver leurs quatre points cardinaux, à savoir l’indulgence, la conscience, la tolérance et, il est vrai beaucoup plus rarement, le brio ?

Et pourtant, tout bien considéré, si l’on compare ton modus vivendi à celui de ces élites politiciennes vivant du côté de Lyon, Bordeaux, Strasbourg, Lille ou Paris, tu sais encore où se situe l’échelle des valeurs indispensables aux évolutions de notre pays. Ce pays où sont désormais considérés comme persona non grata ceux qui osent écouter Sardou, apprécier Delon, respecter le drapeau français, prendre l’apéro entre amis, faire leurs courses au supermarché, épargner trois sous quand le contexte le leur permet, préférer le travail à la paresse, la construction à la déconstruction, l’être au paraître, l’essentiel au non essentiel et, n’en déplaise à l’ancien ministre Sébastien Grivaux, fumer quelques clopes et rouler au diesel. Car, en définitive, qui sont ces gens moins férus de culture que de permaculture, moins enclins à la raison qu’à l’aberration, unis sous une bannière déchirée qui leur donne, car ils sont élus ou autoproclamés, le droit de désigner à l’avenant ceux qui ne partagent pas leurs “petites” idées.

Il faudrait, à ce propos, organiser un congrès, un séminaire, une université, quelques journées d’hiver, de printemps d’automne ou d’été pour jauger la portée de leur médiocrité ? Cette médiocrité qui dénigre arbitrairement afin de pouvoir exister politiquement. Quitte à se contredire, quitte à oublier que, voilà un peu plus d’un siècle, Jaurès soutenait la France périurbaine du côté de Carmaux, Castres, Maraussan et ailleurs. Celle ou les “beaufs” étaient ouvriers, paysans ou mineurs.

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