Entre deux évêques et deux préfets [par Jean-Paul Pelras]

Sans nous concerter, nous avons, à une semaine d’intervalle, poussé avec Joël Castany le même coup de gueule. L’un concernant les P.-O. (voir édition du 24 août intitulé “Sécheresse : après l’humiliation, l’oubli”), l’autre concernant l’Aude avec cette phrase pouvant être considérée comme étant le résumé des résumés : “Le tout dans une espèce d’indifférence ou de compassion faite d’incantations, sans prise en compte réelle du drame que nous vivons.” Certains diront et disent déjà qu’ils n’ont besoin ni de l’ancien responsable viticole, ni du plumitif incontrôlable pour savoir ce qu’ils ont à faire sur le plan politique, consulaire, administratif, institutionnel ou syndical.

Peut-être, avec la portion consubstantielle de courage qui les caractérise, nous le feront-ils savoir de manière anonyme, ou bien continueront-ils de cheminer dans cette forme de déni qui compte sur le temps qui passe pour consacrer l’incurie. Dans le même temps, nous avons pu vérifier le maintien des traditions avec la récente intronisation d’un évêque et d’un préfet sur les sommets viticoles d’un département où les tenues d’apparat s’imposent encore pour célébrer ce qui tient moins désormais du plébiscite que de la bérézina. À moins que de ce “Comité d’admiration mutuelle” puisse sourdre la solution, le déclic, la réponse, le remède à une situation qui gangrène depuis des décennies notre agriculture locale.

Des agriculteurs privés de PAC

Privés d’aides PAC, (une grande partie du problème vient de là) du moins dans les conditions et les proportions dont bénéficient les secteurs de l’élevage et des grandes cultures, nos département viticoles, arboricoles et maraichers sont confrontés, sans aucun revenu de substitution, à une déprise économique et physique récurrente. Lorsque, à la fin des années 90, nous avons, avec quelques infatigables fantassins, tenté de négocier une répartition plus équitable des soutiens, rue de La Baume et de La Boétie, nous n’avons jamais été entendus à Paris et encore moins soutenus par les responsables agricoles du cru qui vouaient déjà une allégeance “énigmatique” aux impétrants lutéciens. Rappelons (encore une fois) que Luc Guyau réclama même (en tant que président du syndicalisme agricole européen) des poursuites à l’encontre de ceux qui avaient déversé des marchandises importées à la frontière espagnole (voir “Ceux qui dérangent et ceux qui s’arrangent” – Éditions Trabucaire – 1996). C’est dire le soutien que nous pouvions espérer de la part de ceux qui étaient censés nous défendre et nous représenter.

Reste “l’expression locale”

Depuis, rien n’a vraiment changé, le président de la FNSEA est aussi (presque traditionnellement) celui du groupe Avril et les exportations de céréales ou d’oléo-protéagineux ne doivent être aucunement perturbées par une opposition aux importations de fruits, de légumes, de vins en provenance de pays qui passent leur temps à usurper nos marchés. Dans le même temps, imperturbable, le Conseil de l’agriculture française (CAF), de Perpignan à Paris, continue de rassembler les mêmes organisations professionnelles agricoles (OPA). Et les alternatives à cette forme de monopole sont maigres, avec un syndicat écolo-activiste qui milite pour la “déconstruction” de l’outil de travail et une Coordination rurale qui peine à s’imposer dans le débat, car ostracisée politiquement malgré la pertinence de son propos et la clairvoyance de ses engagements.

Reste, comme toujours finalement, “l’expression locale”. Affaiblie, certes, car les troupes ont déserté le pavé, peut-on toutefois espérer de la part des responsables du cru, qu’ils soient audois ou roussillonnais, entre deux évêques et deux préfets, un sursaut, un effet de panache, une once de désobéissance, un peu de dissentiment, un éclair de dissidence, une manière de s’indigner.
C’est, avec l’ami Joël Castany, sans grande illusion il faut le concéder, ce que nous osons encore espérer.

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