Vigne : vers un triste record [par Yann Kerveno]

La vendange 2023 n’aura pas le même goût pour tout le monde. Les terroirs de l’Ouest du département et ceux d’altitude s’en sortent bien mieux que la frange littorale, très éprouvée par la sécheresse.

“D’habitude, quand nous avons besoin de présenter une vendange, on a toujours une ou plusieurs années, mêmes anciennes parfois, auxquelles se référer. Cette année, non. Il n’y a rien qui ressemble à ce que nous avons vécu.” Cette synthèse d’Olivier Barberousse, du service Viticulture de la Chambre d’agriculture, résume, à défaut de donner des repères, l’extrême originalité de la vendange en cours. Avec une hétérogénéité rarement atteinte dans le département. Pour faire simple, on peut schématiser et considérer que la catastrophe attendue à cause des conséquences de sécheresse est bien survenue sur la frange littorale du vignoble, à l’exception notable de la côte Vermeille et du cru Banyuls. Et que plus on “monte” dans l’intérieur des terres et en altitude, plus favorable est la situation.

18 ou 19 hectos à Banyuls ?

C’est à Banyuls que la vendange est pour l’instant la plus avancée, elle doit prendre fin d’ici une dizaine de jours. “La pluie du week-end, on a pris 50 mm, arrive quinze jours trop tard pour nous” regrette le président du cru, Romuald Peronne. “Mais cette année, nous sommes sauvés par la magnifique sortie de raisins du printemps. Là où les sols sont bien travaillés, où ils sont un peu plus riches, où ils avaient un peu plus de réserve, la récolte sera belle” ajoute-t-il. S’il est encore trop tôt pour annoncer des volumes, il estime que la vendange moyenne pourrait dépasser celle de l’an dernier sur l’ensemble du cru en atteignant 18 ou 19 hectolitres de moyenne, contre 17 en 2022. “Le tiers des vignes du cru qui a beaucoup souffert de la sécheresse sera compensé par les deux tiers qui s’en sortent bien. Mais tout est très hétérogène, d’une parcelle à l’autre, d’une exploitation à l’autre.”

Côté qualité, il y aura peu de degrés cette année. “Les maturités ont été bloquées, à un niveau inédit, par la sécheresse, on a des blancs à 12,5° ou 13° avec de belles acidités, par contre ce sera plus compliqué sur les rouges pour lesquels les degrés manqueront peut-être.”

L’effroi à Fitou

À l’autre extrême du spectre, Alain Gleyze, président du cru Fitou, avance des chiffres effrayants. “Nous commençons juste les rouges, mais globalement, il va nous manquer au moins 30 % de la production cette année, peut-être jusqu’à 50 %. Avec des parcelles à zéro, d’autres à – 80 % mais la qualité semble y être, les équilibres sont bons. Il va être urgent d’amener l’eau du Rhône jusqu’à nous !”
Mais, comme dans les Pyrénées-Orientales, c’est la zone côtière qui a pris le plus cher cette année. “C’est bien la preuve que les entrées maritimes ne font pas tout ! Dans les terres, à Tuchan et plus encore sur Cascastel, ils feront une bonne vendange…”

Dégradé Est-Ouest à Maury

À Maury, une grande partie des blancs a été rentrée et les rosés viennent de commencer explique Aurélie Pereira, présidente de la cave coopérative. “Sur ce qu’on a rentré, il y a un peu de jus, ce n’est pas fou mais ce n’est pas non plus la catastrophe.” Mais comme ailleurs, la situation est très différente selon les endroits. “Dans l’Est de notre territoire, le carignan a beaucoup souffert, il faut voir si les 20 mm du week-end vont faire gonfler un peu les raisins. Dans cette zone, globalement, les vignes portent beaucoup de grappes mais les baies sont très petites. Par contre, dans l’Ouest, les grenaches ont très bien tenu le coup.”

– 30 à – 40 % dans la plaine du Roussillon

À Baixas, François Capdelayre annonce un tiers de volumes en moins. “La catastrophe annoncée est bien là, sans bonne ni mauvaise surprise. Nous sommes à un tiers de la vendange, nous avons rentré 13 000 hectolitres, nous ferons donc autour de 40 000 hectos cette année, 43 000 au mieux.” La dernière semaine et son fort coup de chaud ont accentué les difficultés. “C’est très visible sur les muscats petit grain, les Alexandrie ou les roussannes, les raisins ont cramé au soleil.” Les 10 mm apportés par le week-end dernier n’y changeront rien, “sauf peut-être pour les cépages tardifs” se demande-t-il.

À Rivesaltes, Brice Cassagne annonce – 40 % par rapport à l’an passé, “c’est un cataclysme, tous les cépages et tous les secteurs ont chargé comme jamais.” Il table aujourd’hui sur une vendange comprise entre 25 000 et 30 000 hectolitres, “nous en sommes à presque un tiers, avec autour de 10 000 hectolitres rentrés. Mais, au-delà de la vendange en cours, j’ai aussi des inquiétudes pour le potentiel de l’an prochain…” Inquiétude pour le végétal et sa capacité à rebondir mais aussi pour la santé économique des entreprises.


2023 : Combien d’hectolitres ?

“La situation est difficile à plus d’un titre” explique encore Olivier Barberousse… “On n’a pas la quantité, on ne sait pas comment ça va mûrir et, pour ajouter au bazar, le marché est très difficile, en particulier sur les rouges. Ce qui ajoute à la complexité, c’est qu’il n’y a pas vraiment de référence sur lesquelles nous appuyer pour décider de la conduite à tenir cette année.” Sauf, peut-être, pour les terroirs de l’Est de l’Agly qui ont connu une “sécheresse estivale plutôt classique par rapport à la frange littorale du vignoble” estime-t-il. Alors, à l’échelle du département, les pronostics sont délicats à faire. Tout le monde s’accorde tout de même pour estimer la perte de récolte de 30 à 50 % par rapport à l’année dernière, qui était déjà une année historiquement basse avec moins de 550 000 hectos. Les plus optimistes tablent sur 420 000 hectos, les plus pessimistes (réalistes ?) entre 350 000 et 400 000 hectolitres. Réponse à la fin de l’année.

Et ailleurs ?

Dans les vignobles de Gascogne et de Bordeaux, c’est le mildiou qui fait des ravages. En Espagne, la vendange 2023 devait ressembler, à quelque chose près, à celle de l’an dernier. En Italie, par contre, elle devrait être historiquement basse à cause d’une conjugaison jusqu’ici inhabituelle de passages de grêle, de puissantes vagues de chaleur et de forte pression de mildiou. Certaines régions perdront, comme les Pyrénées-Orientales, entre 40 et 60 % de leur vendange pour amener le pays à 43 millions d’hectolitres, c’est ce qui était prévu à la mi-août, contre 50 millions l’an passé.

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