Les médias sont-ils en train de précipiter le déclin de l’agriculture française ?
Si la question a de quoi surprendre, elle découle pourtant d’un certain constat. Depuis quelques années, défenseurs de l’environnement et journalistes retournent la terre pour en extraire cette portion consubstantielle d’idéologie qui alimente leurs fonds de commerce respectifs. Ils la retournent sans jamais utiliser le moindre outil susceptible d’user les corps et de vider les trésoreries. Car il est désormais inutile de se baisser pour tirer profit de son travail, puisqu’il suffit, en thésaurisant sur la pensée ambiante, de s’occuper de celui des autres. De préférence en le stigmatisant pour que l’affaire soit encore plus rentable.
Prenons pour exemple la dernière saillie de la Fondation Nicolas Hulot rebaptisée “pour la Nature et l’Homme” qui communique depuis quelques jours sur l’augmentation de l’utilisation des pesticides. Mis à part Geraldine Woessner pour le journal Le Point et Emmanuelle Ducros pour L’Opinion qui se sont attachées, avec des données étayées, à apporter une contradiction sur certains points du rapport, la quasi-totalité de la galaxie médiatique s’est emparée, sans aucun esprit critique, de cette information forcément à charge contre le monde agricole.
Pour faire court, disons que, quand ladite fondation prétend que la hausse de l’utilisation des pesticides est de 25 % sur 10 ans, elle devrait aussi préciser que cette utilisation a chuté de 12 % sur la dernière moyenne triennale. Avec, de surcroit, une diminution des CMR (cancérogènes, mutagènes, reprotoxiques) significative sur les dix dernières années. Une décennie pendant laquelle le volume des pesticides aurait baissé de 36 % selon les chiffres officiels du ministère de l’Agriculture. De toute évidence irrité par le rapport de la fondation Hulot, Julien Denormandie s’est d’ailleurs fendu d’un tweet sans équivoque : “Arrêtons de faire croire que la transition n’est pas en cours ou que l’agriculture s’y opposerait ! C’est dégradant et faux.”
Faux effectivement, car la hausse de 21 % des ventes constatées entre 2017 et 2018 (8 % selon l’Union des industries de la protection des plantes) s’explique par le contexte climatique de l’année 2018 propice aux maladies et aux ravageurs, mais aussi par la hausse de la redevance pour pollutions diffuses (RPD) au 1er janvier 2019 ayant conduit à des achats anticipés. Sachant qu’il faut également prendre en compte l’augmentation des surfaces en agriculture biologique, entraînant une forte hausse des ventes de cuivre et de soufre.
Minoritaires dans les suffrages et majoritaires dans l’art d’embobiner les Français
Voilà ce qu’a oublié de préciser la fondation pour laquelle M. Hulot s’exprime encore puisqu’il a co-préfacé le rapport s’adressant en ces termes au monde agricole : “À ces milliers de femmes et d’hommes qui, après la Seconde Guerre mondiale, ont remporté, en Europe, la bataille contre la faim, est dorénavant posée la question de leur rôle dans la bataille contre la « Fin du monde »”. Une phrase lourde de sens, totalement inacceptable, car elle sous-entend une responsabilité, de surcroit dans des termes apocalyptiques, qui ne peut être imputée au monde paysan.
L’acharnement des ONG environnementales contre le secteur agricole, mâtiné d’une hypocrite compassion si l’on s’en réfère à la préface de l’ancien ministre d’État à l’Écologie, ne peut plus être cautionné par les médias sans vérification et sans débat contradictoire. Ces attaques réitérées par des gens qui ne connaissent ni la pratique, ni l’outil, à l’égard de ceux qui consacrent depuis des générations leur existence au maintien de l’agriculture et à l’équilibre des territoires, ne doivent plus bénéficier du prisme de l’information sans qu’il soit donné au monde agricole la possibilité de se défendre avec les mêmes temps d’antenne et les mêmes volumes de publication.
Ce déséquilibre est en train d’influencer les populations en exacerbant la détestation et le mépris à l’égard des producteurs. Une influence qui migre désormais jusque dans les assemblées où le législateur doit, dans l’urgence, se ressaisir et ne plus céder aux sirènes de quelques lobbyistes verdoyants, minoritaires dans les suffrages et majoritaires dans l’art d’embobiner les Français. Des accusations qui vont précipiter le déclin de notre agriculture et favoriser de facto les importations dopées par les compétitions déloyales. Des importations souvent peu vertueuses, dont nous dépendrons bientôt, qui ne s’embarrassent ni de dogmes environnementaux, ni de de considérations sociales.
Cet édito a été diffusé sous forme de tribune dans le journal le 11 février. Retrouvez également le débat Onfray/Pelras diffusé en 2 émissions de une heure sur le site . |
Merci Monsieur pour la qualité d’ecriture et de jugement.
Je découvre votre nom et vos articles, alors meme que je viens de m’engager en ABio.
Un label avant tout commercial.. une certfication demandée avec l’impression de trahir mon agriculture. De passer du côté des opportunistes. Parce que la pédagogie, les visites et la vente en direct ne suffisent plus à prouver la qualité de mon/notre travail.
J’accorde beaucoup d’importance au modernisme, au charisme, à la communication et à la féminité de l agriculture.
Malheureusement.. aucune de ces qualités n est représentée actuellement par le monde agricole.. ou par ses syndicats.. Soit vieillot, soit stéréotypé, avec des excès de discours agricoloagricoles. Pour la féminité et la classe.. même à la FNSEA, ça ne fonctionne pas !
Bravo en tout cas pour la qualité de vos récits et la justesse de vos propos.
Merci d’essayer. Merci d’y croire.
Cher collègue !
Mathilde