Les “gros mots” de Jean-Paul Pelras : Résilience

Prenons pour commencer, la définition publiée dans le Larousse, onglet « psychologie » : « Résilience : Aptitude d’un individu à se construire et à vivre de manière satisfaisante en dépit de circonstances traumatiques. » Et poursuivons avec cette déclinaison consacrée à l’écologie : « Capacité d’un écosystème, d’un biotope ou d’un groupe d’individus (population, espèce) à se rétablir après une perturbation extérieure (incendie, tempête, défrichement, etc.). »

Vous l’aurez remarqué, la résilience est de plus en plus usitée dans le discours des politiques, Jean Castex avait même concocté un « plan » éponyme. Et Emmanuel Macron emploie le terme dans la quasi-totalité de ses interventions, que ce soit pour évoquer la crise sanitaire, la récession économique, les répercussions de la guerre en Ukraine ou les changements climatiques. Ou comment compter sur notre capacité à nous adapter pour nous faire gober ce que nous ne pouvons avaler.
Nous avons donc affaire à un terme indigeste sorti des placards pour nous nourrir, nous alimenter, nous sustenter. La résilience serait ainsi un bienfait qui prend sa racine dans la résignation et donne ses fruits dans la résistance. Mais aussi, peut-être un peu dans l’abstinence, selon que vous serez puissants ou misérables comme évoqué dans le dicton.

Le mot emprunté au latin « résilio » signifie sauter en arrière, rebondir, résister aux chocs… Une résilience que le pouvoir prête au citoyen quand il faut le brosser dans le sens du poil et qu’il lui réclame quand il lui adjoint de s’adapter. Prenons un exemple : le volume d’électricité consommé par les Français en 2023 a baissé de 3,2 % par rapport à 2022 et de 6,9 % par rapport à la moyenne de la période 2014/2019. Vous avez donc gagné un bon point et une image si vous persévérez ! Le réchauffement climatique et la hausse vertigineuse des prix de l’énergie n’étant peut-être pas étrangers à ce résultat.
Voilà pour la résilience consentie. Passons à présent à la résilience subie, celle qui vient de nous faire accepter une augmentation de 10 % sur le prix de l’électricité. Ou plutôt, comme nous l’indiquait récemment Bruno Le Maire (l’écrivain de Bercy), sur celui des taxes qui lui sont corrélées. Nous avons affaire ici à une forme de conditionnement, voire d’anticipation. Ou comment nous préparer au choc et nous le faire accepter. Comprenez : « Vous n’êtes pas responsables de ce qui vous arrive, mais vous êtes confrontés à une fatalité. Et comme l’État c’est vous, vous devez casquer. »

Reste à savoir comment nous allons absorber ces charges supplémentaires. Citons, pour commencer, Boris Vian qui écrivait dans Cantilènes en gelées : « Il y a deux façons d’enculer les mouches : avec ou sans leur consentement ». Et poursuivons avec l’écrivain Pierre Daninos. Lequel, nous rappelant qu’un corps humain était composé à 90 % d’eau, se demandait comment l’on pouvait demander à 90 % d’eau d’acquitter un tiers provisionnel. La résilience n’étant pas encore usitée a tout bout de champ quand l’auteur publia « Le Jacassin » au début des années soixante, l’équation, bien que surréaliste, trouverait probablement, de nos jours, une réponse dans le discours politicien. En d’autres termes et pour en finir avec l’État providence : « Puisque vous pouvez vous adapter, continuez ! » Des magiciens vous dis-je, des magiciens !

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