Les emmerdeurs ! [par Jean-Paul Pelras]
À l’Agri, nous sommes des emmerdeurs. C’est comme ça. Nous disons les choses sans complaisance, nous ne cirons pas les pompes, nous ne pactisons pas. Alors, évidemment, à force, parmi nos interlocuteurs, certains se fatiguent, parce que nous sommes devenus incontrôlables. Incontrôlables et insupportables pour celles et ceux qui préfèrent la compromission à la bagarre, les accommodements raisonnables aux affrontements non négociables.
Prenons, pour ne citer que ce récent exemple, l’affaire du “Train des primeurs” et la lettre ouverte (diffusée dans Le Point et dans l’Agri) adressée au Premier ministre. Une lettre dans laquelle nous dénoncions l’octroi de subventions publiques destinées à un moyen de transport acheminant principalement des marchandises importées, donc concurrentes de celles produites sur le sol français. Castex ne répondit pas, il est bien au-dessus de ces petites correspondances. D’ailleurs pourquoi répondrait-il alors que les responsables d’organismes professionnels agricoles des P.-O. assistaient à l’inauguration d’un train que les adhérents de ces mêmes organismes se chargeaient d’intercepter et de vider quelques années plus tôt ?
Idem pour cette coopérative qui souhaitait louer ses locaux à un importateur. Mis au courant officieusement et non pas par les intéressés, nous avons mis les pieds dans le plat et le projet fut reporté sine die ou annulé. Nous venons d’apprendre, par la presse concurrente non spécialisée, que cette même coopérative tisse désormais des liens commerciaux avec un autre importateur. Nous évoquerons peut-être ce sujet si nous arrivons à joindre les interlocuteurs concernés, de toute évidence plus loquaces avec les médias “disciplinés”.
Car il est de plus en plus difficile d’obtenir des informations. Et ce, pour l’ensemble des secteurs d’activité maraichers, arboricoles, viticoles ou concernant l’élevage et, plus globalement, la ruralité. Alors le téléphone sonne, les agriculteurs, les coopérateurs, les adhérents de telle ou telle structure nous appellent pour nous renseigner, pour nous demander d’enquêter… Seulement voilà, ils veulent tous préserver leur anonymat car ils ont peur des représailles, car ils ont peur de se faire “mal voir” par les responsables ou par les politiques. Ou tout simplement car “l’Agri va s’en charger”.
Fallait pas nous chercher !
Effectivement, nous nous en chargeons à nos risques et périls, avec des publicités qui, subitement, n’arrivent plus, avec des abonnements groupés qui disparaissent, avec une rétention d’information de plus en plus prégnante. Tout est dissimulé, les fusions, les ventes, les rapprochements, les projets, les difficultés, les tractations, les bilans, les indemnités… Et pourtant c’est cette actualité qui intéresse notre lectorat, plus que les remises de médailles et le compte rendu de ces réunions calibrées où l’on parle désormais davantage d’écologie que d’économie. Oui, ce sont ces informations, ces éditoriaux, ces articles, ces tribunes, ces chroniques, ce franc parler qui ont permis à notre titre de résister et de se développer en une dizaine d’années. Chaque jour, nous recevons de la France entière des courriers pour nous soutenir, des demandes pour pouvoir dupliquer nos publications ou pour animer des conférences, des mots d’encouragement de la part de ceux qui nous disent : “Pourquoi, dans notre département, nous n’avons pas un journal comme ça ?”.
Le problème c’est que, dans les Pyrénées-Orientales, mis à part quelques fidèles et incorruptibles lecteurs s’exprimant notamment sur les réseaux sociaux, c’est le calme plat. Pire, pour que l’Agri disparaisse, certains se mettent à croiser les doigts. En dix ans, nous avons bravé d’innombrables tempêtes sur lesquelles je ne reviendrai pas ici car, avec les moyens du bord, nous sommes parvenus à défier la médiocrité de certaines idéologies, nous avons toujours privilégié la défense du paysan à celle des structures, nous avons osé prendre la parole quand d’autres préféraient se perdre en conjectures.
Nous allons continuer en communiquant avec encore plus d’esprit critique, en dénonçant nommément les pressions, en alertant les lecteurs sur les éventuelles rétorsions dont nous ferons l’objet, en désignant ceux qui n’auront pas voulu répondre à nos questions car ils souhaitent dissimuler la vérité. Voilà, ils sont avertis. Fallait pas nous chercher !
Ping : Le sommaire du 9 décembre 2021 - L'agri
Je partage très souvent votre point de vue et donc je “partage” sur les les réseaux sociaux. Vos éditoriaux sont souvent de bonnes réponses à apporter à ces gourous politiques ou syndicaux ou associatifs en cravate, barbus et fringués vintage. Plaideurs pour des thèses pouvant assurer que l’avenir de leur “fesses”.
Poursuivez, cher Monsieur, vos énergies épistolaires donnent beaucoup de sujets à réflexions et pourraient débusquer et dépoussiérer quelques stratèges malsains du dessous de certains “tapis”!