Les cépages face au stress hydrique [par yann Kerveno]

Une équipe de chercheurs a soumis une trentaine de cépages à un test de résistance au stress hydrique. Les résultats sont parfois surprenants.

Si la vigne sait se montrer résistante au manque d’eau, il arrive parfois qu’elle en souffre quand même beaucoup. L’année que nous traversons nous en apporte la preuve, si besoin était. Publié dans la revue Scientific Reports en mai dernier, un article fait le point sur les capacités de résistance au stress hydrique de l’appareil vasculaire (les vaisseaux) d’une trentaine de cépages piochés dans le monde, avec des résultats qui sont parfois surprenants. Ainsi, c’est le pinot noir qui sort en tête des plus résistants devant le cabernet sauvignon, le merlot, le sylvaner et la syrah. En queue de peloton, les variétés résistantes floréal, vidoc, voltis font un joli tir groupé, accompagné de la sultanine, un cépage très utilisé en Inde notamment et qui recouvre environ 40 % de la superficie du pays, mais également de l’ugni blanc, largement utilisé en France.

Pour établir cette liste, l’équipe de chercheurs qui a planché sur la question a adapté un cavitron pour pouvoir centrifuger des tiges de bois d’un mètre de long. “La vigne est particulière parce que c’est une liane” explique Sylvain Dezon (Université de Bordeaux) qui a conduit les tests. “La centrifugeuse nous permet de mettre la colonne d’eau sous pression au sein de la tige, comme le fait un stress hydrique, et nous pouvons alors mesurer où se situe le point de rupture.” Pour cela, deux paramètres sont quantifiés, la perte de conductivité hydraulique correspondant à des phénomènes d’embolies et la pression dans l’appareil vasculaire. L’embolie se produit lorsque la pression dépasse un certain seuil via l’introduction de bulles d’air dans les vaisseaux de la plante, qui finissent par dessécher les tissus.

Quels critères ?

Alors, comment expliquer que les cépages largement répandus en climat méditerranéen et réputés manquent ainsi leur examen de passage comme le grenache, le cinsault, le carignan alors que la syrah, que l’on voit parfois à la peine dans nos contrées, sort bien mieux classée ? “Il faudrait savoir sur quels critères empiriques les vignerons estiment la résistance ? Est-ce parce que ces cépages continuent à produire correctement malgré le stress ou est-ce parce qu’ils survivent, avec une production dégradée, plus longtemps ?” se demande le chercheur. Ou le porte-greffe fait-il des miracles ?

Mais l’étude est loin d’être terminée. “Nous avons des demandes pour tester d’autres cépages, en provenance d’Italie en particulier, et surtout nous avons entrepris une cartographie du potentiel hydrique des vignobles du monde entier. À l’issue de ce travail, nous disposerons d’une carte complète et précise qui combinera à la fois les propriétés des cépages et les propriétés hydrauliques de sols. Parce que planter de l’ugni blanc, qui sort très mal dans notre classement, peut ne pas être problématique à long terme s’il est planté dans une région avec des ressources hydriques élevées.”

Bois

Professeur à Supagro à Montpellier, Alain Deloire estime pour sa part qu’il faut prendre ces résultats avec prudence, car ils concernent les bois et cela change pas mal de choses. “Il s’agit de travaux qui portent sur l’embolisme des vaisseaux du xylème dans les tiges et les pétioles. Il est inapproprié de parler dans ce cas de résistance à la sécheresse, surtout que les niveaux de stress hydrique pour atteindre l’embolisme irréversible des tiges sont rarement atteints au vignoble car, avant d’en arriver là, il y aura eu embolie au niveau des pétioles des feuilles et une chute importante des feuilles qui est une réaction de défense de la vigne pour limiter sa transpiration.”

Si ces travaux sont intéressants, Alain Deloire ajoute qu’il faut prendre en compte d’autres paramètres : le rôle du porte-greffe, l’association entre le cépage, l’environnement, les pratiques culturales, les objectifs de production, qu’ils soient exprimés en termes de rendement ou de qualité, pour pouvoir évaluer la tolérance à la contrainte hydrique.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *