Les amis de l’Étoile : “ambassadeurs discrets et efficaces” [par Joan Berlande]

Nous nous étions déjà fait l’écho, dans ces colonnes, de la démarche originale de la cave coopérative l’Étoile à Banyuls-sur-Mer, qui a créé un groupement foncier viticole, Les Amis de l’Étoile. Samedi dernier se tenait sa deuxième assemblée générale, l’occasion d’établir un point d’étape et de parler d’avenir dans un monde viticole mouvant et incertain.

Plus de 70 personnes se sont donc réunies pour examiner les comptes du GFV et ses perspectives. Sous les chênes-lièges du Mas Cornet, à un jet de pierre du col de Banyuls et de l’Espagne. Le lieu choisi par les organisateurs ne doit rien au hasard. C’est par ces chemins discrets qu’en 1938-1939 des centaines de milliers d’Espagnols ont trouvé le salut en France et qu’en 1939-1945, des milliers de résistants ont fui la barbarie nazie. C’est ici, en gravissant ces collines âpres, que Joseph Kessel et Maurice Druon, en route vers Londres et la liberté, auraient composé le chant des partisans. La légende est belle. Nous la faisons donc nôtre puisqu’elle s’accorde tout à fait à l’esprit de résistance qui anime les vignerons du lieu.

Les Amis de l’Étoile poursuivent un double objectif. Sauver des parcelles en passe d’être abandonnées, 40 à 50 ha disparaissent chaque année, mitant et défigurant ces paysages grandioses, mais aussi obtenir une juste rémunération du capital engagé, soit 4 % d’intérêts payables en bouteilles de vin. Un succès si l’on en croit le bilan provisoire de l’opération. Plus de 500 000 euros récoltés, plus de 10 ha acquis et, surtout, des capitaux disponibles pour en acquérir une trentaine d’autres. Une goutte d’eau dans une mer de déprise agricole, mais la démarche s’installe, puisque le plafond du capital du GFV a été porté samedi à 900 000 euros, tant est grand l’intérêt des investisseurs. Sans publicité, sans tapage, chaque mois de nouvelles personnes rejoignent les Amis de l’Étoile contre l’achat d’une ou plusieurs parts de 3 000 euros. Avec les Amis de l’Étoile, la coopérative s’adosse à plus de 70 ambassadeurs originaires de la France entière, sécurise ses apports et participe concrètement à la sauvegarde du cru. Ainsi se posent aujourd’hui de vraies questions. Comment s’adjoindre de nouveaux bras pour travailler les futures parcelles ? “Ils sont rares” devait souligner Jean-Pierre Centène, le président de l’Étoile, qui réfléchit avec les administrateurs à des solutions. Quelles parcelles choisir, puisqu’il faut concilier rentabilité (les fameux 4 %) et sauvegarde de parcelles emblématiques pour le paysage mais parfois peu rentables, le tout en respectant les exigences de qualité de la production ? Une quadrature du cercle et une course contre la montre de tous les instants.

Le président Jean-Pierre Centène montre aux investisseurs les limites du domaine.

Une année 2020 à l’équilibre

Heureusement, les Amis de l’Étoile sont adossés à une cave qui, bon an mal an, a les moyens de ses ambitions. Ainsi, même si l’Étoile a enregistré en 2020 une baisse de son activité de 13 %, son résultat est à l’équilibre. En bénéficiant, certes, des aides d’État Covid, mais sans aucun autre artifice comptable, le domaine des Amis de l’Étoile, épargné par le mildiou, enregistrant même une excellente récolte. “Le bilan 2021, si l’environnement économique ne se dégrade pas, devrait être meilleur, ce qui compte-tenu du contexte économique global, serait une très bonne performance dans un contexte viti-vinicole très volatile” devait souligner le président Centène.

L’opération Amis de l’Étoile interpelle assez pour que d’autres coopératives du département aient pris date avec ses promoteurs pour l’adapter à leur terroir. Mais comme devait le souligner Bernard Ferrer, l’un des coopérateurs, “la vigne, il faut l’aimer. Ces bouteilles que vous ouvrez chez vous ne sont pas que du vin. Quand vous les ouvrez, elles contiennent tout ce que nous sommes. Plus que des investisseurs, vous êtes des ambassadeurs de l’Étoile et du cru.”
Pour finir la matinée, un repas vigneron a été servi dans les chais de la cave. Préparé et servi par un personnel de l’Étoile très efficient, il a permis d’échanger entre tous les acteurs d’une démarche certes encore fragile, mais appelée à faire des petits ailleurs sur d’autres terroirs.

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