Le nounours bleu [par Jean-Paul Pelras]
“À la maison”, puisqu’il faut parler comme ça pour se souvenir de son enfance, je n’ai jamais croisé de Santa Claus caréné Yankee, de redoutable Hans Trapp, de Mère Noël, de Julenisse ou d’Odin recouvert de cotonnade immaculée. Point de hottes pléthoriques, de lettres libournaises et de rennes lapons. Non, seulement deux cadeaux posés au petit matin sur le divan familial de la salle à manger. Il s’agissait, la plupart du temps, de celui tant attendu que mon frère me faisait parvenir depuis Paris et d’un livre ou d’un disque, que ma mère était allée acheter en Vélosolex aux Nouvelles Galeries. Mais je me souviens aussi d’un nounours de petite taille exposé “Chez Pierrot” à l’épicerie du village, quelque part au-dessus des boites de conserves, des mousses à raser et des bouteilles d’huile. Un petit nounours que mon père ramena discrètement, un soir d’hiver sous son manteau, alors qu’il était allé acheter quelques provisions. Un petit nounours bleu de rien du tout, qui restera longtemps le plus beau des cadeaux de Noël. Parce-que, voyez-vous, avec le temps, celui de Ferré, celui qui dit “Ne rentres pas trop tard, surtout ne prend pas froid…”, on ne mesure pas l’affection aux emballages qui débordent des poubelles, les lendemains de fête. On la mesure, il me semble, à ces petits riens qui firent ce que nous sommes devenus. Les enfants d’une vie, en quelque sorte. Bon Noël à tous.