La Vallée Secrète : une SCIC pour maintenir le vignoble [par Yann Kerveno]
La cave coopérative de Rasiguères a créé une Société coopérative d’intérêt collectif (SCIC) pour racheter les vignes de ses adhérents sans succession. Une soixantaine d’hectares sont en vue.
“Dans notre cave, nous avons 65 % de vignerons qui ont moins de 55 ans, mais ensuite, il y a un creux dans la pyramide des âges entre 55 et 65. La SCIC va donc palier aux départs en retraite qui vont survenir durant les cinq prochaines années pour maintenir les vignes”. Directeur du Cellier de Trémoine, David Bleuze détaille le projet. “Cela va nous permettre de récupérer, et sauver, une soixantaine d’hectares. treize immédiatement dont huit de jachères prêts à planter, qui seront suivis par une dizaine d’hectares en fin d’année et une autre dizaine en 2024.” La SCIC n’achète pas pour autant n’importe quoi. “Nous privilégions les parcelles qui sont mécanisables, cela représentera 80 % des surfaces, nous ne conserverons les parcelles à travailler à la main que si elles sont hautement qualitatives…”
Une dizaine de vignerons
S’il existe déjà des groupements fonciers viticoles poursuivant le même but, à Banyuls par exemple et la cave de l’Étoile, l’adoption d’une forme coopérative pour faire du portage foncier est une première dans les Pyrénées-Orientales. Une première que David Bleuze attribue, au sens du collectif, à l’implication des adhérents dans la vie de l’entreprise et au fait qu’au-delà d’une démarche économique, c’est aussi un sujet de territoire. Les vignerons ont d’ailleurs été les premiers à investir dans la SCIC Domaine de la Vallée Secrète, c’est son nom.
“Dès le départ du projet, une dizaine de vignerons a souscrit au capital” précise encore le directeur du Cellier de Trémoine. “Fin juin, nous avons collecté 45 000 euros auprès des vignerons, des salariés, de nos clients et de nos partenaires. Nous espérons atteindre 150 000 euros début 2024 et, à terme, dans huit ans, 1 million d’euros pour les 60 hectares que nous envisageons d’acquérir.” Le prix de la part a été fixé à 1 000 euros, “mais dans la pratique, les gens qui souscrivent en achètent deux ou trois, la moyenne d’investissement c’est 1 500 euros.” Les banques suivent le projet et les quatre communes concernées par la zone couverte par la cave, Rasiguères, Planèze, Lansac et Latour de France vont aussi entrer au capital de la SCIC.
Projet de territoire
Une fois acquises, les vignes sont entretenues pour être confiées à un vigneron qui souhaiterait s’installer ou à un vigneron qui veut s’agrandir mais n’en a pas la possibilité financière au moment où il souhaite le faire. “Elles seront confiées pour cinq ans avec, au terme de ce délai, la possibilité pour le vigneron de les racheter ou de les conserver encore en fermage” ajoute David Bleuze qui veut aussi en faire un vignoble pilote avec des projets d’enherbement, de cépages résistants. “C’est un projet qui dépasse réellement le seul cadre de la cave, nous allons embaucher du personnel pour travailler les vignes, ce seront des gens du coin, maintenir la vigne c’est aussi protéger les villages du feu. Avec ce domaine, nous allons développer l’œnotourisme autour de journées thématiques, de la taille aux vendanges…”
Pour autant, pour l’instant, il n’est pas question de décliner l’identité du Domaine de la Vallée Secrète dans la gamme de la cave. Les raisins rejoindront les productions habituelles du Cellier de Trémoine. Inauguration officielle à la fin du mois d’août.
