Fruits à noyau : des prévisions… imprévisibles [par Yann Kerveno]

Au Medfel, on a beaucoup parlé d’eau. Parce qu’au-delà du pourtour méditerranéen, l’Espagne est aussi suspendue aux décisions de gestion des réserves d’eau.

C’est la première fois en 160 ans que cela arrive, un des canaux principaux qui irrigue la région de Lérida, le canal d’Urgel a été fermé le 25 avril. De quoi mettre en tension le vaste bassin de production fruitière des alentours de Lérida avec les vergers de pommes, poires pêches et nectarines. “C’est un peu tôt pour donner des chiffres, mais la nouaison et la floraison des pêchers se sont bien passées. Tout dépendra de la disponibilité en eau de ces prochaines semaines pour la Catalogne et l’Aragon” résumait Manel Simon, d’Afrucat, lors de la présentation des prévisions de récoltes pour l’abricot qui débordèrent en fin de séance sur les pêches et nectarines. Pour la région de Murcia, Santiago Vasquez, représentant de la fédération des coopératives, n’avait pas d’autres messages. “Il n’a pas plu depuis Noël, il nous faut de l’eau !”

La situation n’est guère différente pour l’abricot dont les prévisions ont toutefois pu être établies. Avec une production européenne annoncée en léger retrait par rapport à l’an dernier et à la moyenne de ces cinq dernières années, – 7 % et 503 000 tonnes attendues.

Italie confortable

La Grèce, qui a connu un hiver normal, devrait connaître une récolte sensiblement équivalente à celle de l’an dernier à 76 000 tonnes, en léger repli, – 6 % par rapport à la moyenne des cinq dernières années. Pelés par le gel l’an passé, les trois quarts de la production manquaient à l’appel en Catalogne, l’Espagne devrait réaliser une bien meilleure année en 2023 avec 98 000 tonnes attendues, mais c’est encore loin du potentiel de ces cinq dernières années (- 16 %).

A contrario, l’Italie avait connu une récolte pléthorique en 2022 en atteignant 275 000 tonnes, loin devant la moyenne des cinq dernières années (234 000 tonnes) mais devrait connaître un léger repli cette année, – 13 % par rapport à la moyenne à 203 000 tonnes.

Le poids de l’emballage et de l’inflation

En France, la production est attendue en très légère progression, + 2 % par rapport à l’an dernier avec 125 000 tonnes pour une moyenne de 108 000 tonnes ces cinq dernières années (marquées par deux épisodes de gel et de la grêle). Dans ce total, le Languedoc-Roussillon devrait fournir 39 000 tonnes, la région PACA 17 400 tonnes et Rhône-Alpes 69 000 tonnes. À condition, comme en Espagne, qu’il y ait de l’eau. “Tous les départements producteurs de fruits à noyaux sont aujourd’hui concernés par des arrêtés de restriction” faisait remarquer Bruno Darnaud, président de l’AOP Pêche nectarine abricot. Ce qui est peut-être nouveau cette année, en plus de l’intensité de la sécheresse et des menaces qu’elle fait peser sur les volumes, c’est la conjonction des problèmes dans tous les bassins.

“Sinon, on meurt”

Salvador Vasquez insistait pour rappeler que l’inflation en Espagne, en particulier celui du coût du travail, avait fortement fait progresser les coûts de production et qu’à défaut de prix corrects, la filière fruits à noyau de Murcia allait droit dans le mur.
“Il faut augmenter les prix sinon, on meurt” lâchait-il. Manel Simon détaillait, lui, les problèmes rencontrés par les opérateurs sur la question de l’emballage qui ne sont pas sans rappeler ce qui se passe de ce côté-ci de la frontière. “Le gouvernement nous impose de supprimer les conditionnements de moins d’un kilo et que tous les fruits soient ainsi vendus en vrac. Comment pouvons-nous alors nous différencier ? C’est à contre-courant de la politique européenne qui veut des AOC, des produits de qualité…” Il donnait ainsi l’occasion à Bruno Darnaud de rebondir et de réclamer “une législation européenne” sur le sujet.

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