La politique des apprentis sorciers [par Jean-Marc Majeau]

Ils étaient tous à Charm el Cheikh, à la COP 27 sur le réchauffement climatique. Des dizaines de délégations et presque tous les chefs d’État (exceptés Poutine et Zelenski qui avaient un mot d’excuse de leurs parents). Des centaines d’avions, un bilan carbone faramineux, pour se presser à la tribune et affirmer un engagement maximal pour “sauver la planète”. Le ton grave et l’emphase permanente comme leitmotiv, tous y sont allés de leurs discours lénifiants. En substance : “Nous sommes tous d’accord et faisons de la lutte contre le réchauffement climatique une priorité”. Voilà : c’est dit. On ferme, et on passe à table ! Je me pose une question : était-il nécessaire de choisir comme destination à ce congrès, un paradis entre la mer Rouge et le Sinaï, au bord des récifs coraliens, pour venir discourir d’un sujet qui semble faire l’unanimité ? Vue l’importance des débats, l’accord unanime sur les décisions à prendre, puisque la “sobriété” est le mot à la mode, pourquoi n’avoir pas choisi un lieu moins rutilant, pour une addition beaucoup moins salée et un bilan carbone bien plus raisonnable. À Bouzolles, par exemple : chez Jeff Tuche !

Lorsque, quelques semaines plus tard, se tient à Montréal une COP 15 concernant la biodiversité, force est de constater qu’ils sont beaucoup moins nombreux à se presser pour manger de la poutine au poulet en contemplant le Saint Laurent ! Seuls quelques ministres et des représentants d’ONG feront le déplacement. Mais aucun chef d’État ! Est-ce dû au fait que c’est la Chine qui l’organise ? Ou alors, est-ce la température extérieure moyenne qui, au mois de décembre, se situe aux alentours de moins 10 degrés ! Ceci a sûrement rafraichi l’assiduité de nos élites. Pisser face à la mer rouge doit être plus inspirant que de le faire face au blizzard ! Pourtant, messieurs-dames, plus encore que le réchauffement, qui n’en est qu’une conséquence, le maintien de la biodiversité serait, d’après les scientifiques, l’enjeu capital pour la “survie de l’humanité” dans les décennies à venir ! Sûrement pas suffisant, pourtant, pour déplacer les responsables mondiaux, trop occupés à lutter contre les méfaits économiques de la guerre en Ukraine, l’évolution du Bitcoin ou celui de la vaccination contre la Covid 19 ! Pour eux, l’objectif est simple et la consigne claire : “beaucoup parler mais ne rien décider !”. D’autant plus que, dès que l’on évoque la “biodiversité”, on aboutit immanquablement à la conclusion que le cataclysme en marche est, exclusivement, la conséquence de l’activité économique et commerciale humaine.

Couches lavables…

“L’avancée sans précédent” des accords de Nagoya en 2010 s’est conclue, 12 ans plus tard, par un échec cinglant. Chacun bricole dans son coin et se donne l’illusion de l’efficacité, restant toujours fidèle à une stratégie qui privilégie la croissance économique exponentielle. Chez nous, plus qu’ailleurs sûrement, là où des engagements forts devraient s’imposer, on enfume, on fabrique des usines à gaz, des “conseils de la refondation” et de grands débats citoyens, afin de solutionner tous les enjeux d’avenir. C’est beau sur le papier… Mais dans le réalité, l’efficience du projet reste aléatoire. Surtout quand se mêlent au débat ces “allumés du bocal” qui ont des solutions pour tout ! Ceux qui, défendant le bien-être animal, pensent qu’il faut laisser proliférer les sangliers sans réguler leur expansion, manger du tofu pour épargner les lapins, espérer que la prolifération de friches et la disparition des paysans rendront le monde plus vivable demain. Ceux qui proposent de ne rouler qu’en vélo, d’incendier les véhicules thermiques, de brûler les étables et les élevages de canards, de revenir à la charrue, aux médicaments “naturels” et aux imprécations ciblées. Ceux qui, enfin, c’est une nouvelle tendance, proposent d’utiliser des couches lavables pour les nourrissons et pour les vieillards…

Le plus inquiétant n’est pas que ces hurluberlus s’expriment. Ils en ont le droit puisque nous sommes en démocratie. Le plus dramatique est que ces avis marginaux finissent par impacter le cerveau de nos élites déconnectées du réel, qui risquent, un jour d’appliquer ces solutions du Moyen Âge ! Remarquez, afin de lutter contre un virus presque anodin, ils nous ont obligé à boire nos bières en position assise, à nous parler derrière des plexiglass et à ne plus embrasser nos grands-parents pour les fêtes de fin d’année… Finalement, laver des couches à la main au lavoir du village ne sera pas beaucoup plus grotesque !

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